Bonsoir mes chéries,
ça fait tellement longtemps que maman ne vous avait pas écrit.
Ce soir j'en ai tellement envie, j'ai tellement de choses à dire.
Je ne sais pas par où commencer, j'ai un peu honte.
Je vous en supplie ne croyez pas que je vous oublie.
J'essaye juste de ne pas sombrer, c'est pour cela que je ne viens pas au cimetière.
Alyssa et Thalya, j'espère que vous allez bien, que vous veillez l'une sur l'autre.
Peut-être que de là où vous êtes vous connaissez certaines réponses, peut-être que tout a un sens.
Je suis malheureuse sans vous, vous me manquez terriblement.
Y'a un vide dans ma famille, y'a un vide dans mon être.
Les seuls souvenirs visuels que j'ai de vous c'est à la maternité, peut-être que c'est pour ça que c'est si dur.
L'autre jour, j'ai fait une bêtise, je m'en veux mais je ne peux pas m'en empêcher. Votre grand frère avait dessiné la famille, j'ai pas pu m'empêcher de lui dire que la famille n'était pas complète, qu'il manquait mes filles.
Quand je dis à Sarah votre soeur qu'elle est magnifique, que c'est le plus bébé du monde, je pense à vous et je me dis que ce n'est pas correct envers vous.
Et quand j'imagine les enfants plus tard, j'ai sans cesse un point d'interrogation sur vous.
Maman vous aime tellement. Mais ça n'a rien changé à l'histoire.
J'aimerai tant, de toutes mes forces revenir en arrière et jouer mon rôle de mère, détecter le malheur qui guettait mes enfants.
Je vous demanderai toujours pardon.
Je suis tellement désolée.
Je souhaiterai pouvoir faire plus, mais je ne sais plus quoi faire.
Je ne sais plus où aller ni vers qui me tourner.
Tout à commencer lorsqu'on m'a retiré mes enfants, si petites. Avec vous dans mes bras, la mort ne prenait pas son sens mais lorsque l'on vous a repris... C'est indescriptible.
On était si bien toutes les trois, en peau à peau.
Le monde ne nous atteignait pas, on était unies dans l'Amour.
Jusqu'au dernier moment j'ai pensé, j'ai espéré vivre un miracle et voir mes filles s'en sortir.
Mais ça n'a duré que 40 minutes.
Puis un vide immense, une peine insurmontable à jamais se sont emparés de moi.
Malgré tout je n'ai pas crié, je n'ai pas pleuré, je suis restée spectatrice de mon cauchemar.
Puis en retombant enceinte, j'ai pensé avoir une deuxième chance. C'est mal mais je l'avoue j'ai pensé recommencer Alyssa et Thalya sauf que c'est un petit garçon.
Je l'attends avec impatience et amour, mais malgré tout il reste ce manque, ce désir qui ne sera jamais satisfait de vous tenir dans mes bras.
De vous accompagner à la crèche ou à l'école. De vous coiffer et vous habiller. D'être une mère !
Je veux vous soigner lorsque vous serez malades, je veux vous entendre vous chamailler puis plus tard me parler de vos petits copains...
Je voudrais que vous soyez présentes. Je sais pertinemment que ce ne sera pas le cas.
Mais je refuse de vous oubliez, je refuse de faire comme tous les gens autour de moi, de vous consigner au silence. Sauf que je n'ai pas de souvenirs, alors je fais comme je peux avec mon imagination. Peut-être que c'est triste, peut-être que c'est malsain oui...
Seulement j'essaie d'être une mère malgré la mort, mais je ne sais pas comment faire.
Je ne sais pas où vous êtes alors je brode, je rêve de celle que j'aurai pu représenter pour vous.
C'est ma façon de vous montrer mon inconditionnel amour.
Je sais que ce ne sont que des mots, peut-être même que je m'y prends mal. Mais je vous aime tellement, et cet amour en suspens me brise.
Je suis vraiment désolée pour toute cette histoire, maman sait que ce n'est pas juste mes chéries.
Tant que je serai là, il y aura toujours quelqu'un qui pensera à vous, toujours.
