Les gens et les réflexions...
On ne devrait jamais faire attentions à ce genres de réflexions, parce qu'elles sont souvent filles de l'ignorance... De la simple maladresse... Mais parfois, il faut bien reconnaitre que c'est de la bêtise... je ne devrais même pas en parler... Mais elles ont fait ce que je suis aussi.
La première réflexions que j'ai pris dans la figure... C'est "et l'autre, il est viable ?"... ça m'a fait mal.... Mais mal... Mais cela venait d'une petite mamie, voisine d'immeuble, qui est venue me voir à l'hôpital. Tous les soirs d'été nous nous étions assis sur le banc en bas à papoter entre voisins. Et elle était jumelle... J'aurais pu très mal le prendre... Mais venant de cette petite mamie, c'était du "parlé de l'époque". Un peu rude, mais même si ça m'a blessée, elle ne l'a pas fait avec méchanceté. Elle avait toujours un certain franc parlé.
Une autre "c'est un mal pour un bien"... Quand on perd un jumeau... c'est un mal et un bien à la fois... l'un n'efface pas l'autre... Oui bien sur, j'aurais pu perdre les deux... Oui, il m" 'en reste un"... Oui j'ai "les deux autres"... Et alors ?
Puis "ah, c'est vrai il est vraiment minuscule !" une dame, connaissance de voisins qui a soulevé la couverture du landau... J'ai cru que j'allais l'étrangler !!! De quoi je me mêle... Et à haute voix "oui, il est prématuré... C'est normal !" et elle de rajouter "et l'autre, il était comment ?"...
et moi "Marc était beau comme un dieu, au revoir madame"...
Et le pire, j'en rie tellement c'est bête et méchant !!! J'étais en néonat, je discutais avec une maman dont le petit était en face du mien, Je tenais mon petit bout tout contre moi, il faisait 44 cm... Donc recroquevillé, il faisait vraiment tout petit alors qu'il avait 10 jours. La mère de cette dame me regarde de haut en bas, puis me dit d'un ton aigre "Vous êtes déjà enceinte de trois mois alors que vous venez d'avoir un bébé
"... C'est sur qu'un ventre de maman enceinte de jumeau, c'est bien connu, ça devient plat dès la naissance !!! J'avais juste ce ballon de baudruche dégonflé que nous connaissons quasiment toutes après la naissance... J'ai répondu du tac au tac "comment pourrais-je avoir un nouveau né et être enceinte de trois mois... ?"... La maman a engueulé sa mère et l'a faite sortir !!! C'était une Tatie Danielle ...
Une autre, encore... Une des pire pour moi, la femme de ménage de ma petite voisine "ah mais vous savez, vous êtes jeunes, et puis de toute façon les parents qui perdent des enfants plus âgés, souffrent bien plus que vous !!!" !!! Comme si la douleur avait une échelle !!!
Une personne, m'a envoyé une carte (après m'avoir harcelée pour me dire qu'elle venait à l'enterrement puis n'est pas venue en trouvant une excuse bidon), avec un chat quasi souriant, qui regarde son reflet dans un miroir... En me disant que j'avais touché du doigt un rêve... ça m'a fait mal, de voir concrètement sur cette carte... l'impossible vérité !!!
Bref, j'en passe. Maintenant personne ne m'en fait plus. On me parle de Chloé, d'Alexandre, de Marc, de notre vécu avec une infinie douceur. Et ça fait du bien. J'ai éloigné de moi les gens qui me blessaient. A une période j'ai ressenti le besoin de dire à ceux qui m'avaient blessé de manière ouverte ce que j'en avais pensé ( au pire on ne se voit plus depuis au mieux ils se sont excusé et seront plus attentifs si cela les touche de près ou de loin un jour.).
J'ai besoin de le dire parce que je pensais que les gens feraient attention, mais quand des gens sentent la douleur de certains, certains ne peuvent s'empêcher d'appuyer dessus.
L'enterrement a été évidemment une épreuve... Mon cher et tendre quand mes parents m'ont ramené de l'hôpital, m'a dit "vient avec moi"... Nous avons été tous les deux devant le cercueil, et là, j'ai explosé. C'était insoutenable... Injuste... Évidemment... Lui, avait eu cette réaction juste avant, on aurait voulu arracher le bois et reprendre notre petit bout... Il n'avait rien à faire là... Mais la vie en a décidé autrement... Et cette phrase qui dit en gros que Dieu cueilli la rose... Je l'ai maudite pendant très longtemps... Pourquoi ce bouton de rose là ? Pourquoi nous ? Oui... ça peut arriver à tout le monde....
Il y avait énormément de monde... Les gens sont venus, qu'importe si cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus. De loin, de plus près. Ils étaient vraiment tous là. Ceux qui n'avaient pas pu, étaient là par des mots, des cartes reçues le jour même, des fleurs... Je ne pensais pas qu'un si petit bonhomme pouvait fédérer autant de personnes autours de nous. Et ces gens sont restés, et sont toujours là.
Mon cher et tendre a été baladé, malmené, meurtri par les démarches les "il vous reste 16h pour faire ci, puis deux heures après, il vous reste 14 h pour décider..." d'un air hautain et pressant, il a fallu qu'une auxiliaire prenne le téléphone, et mette les points sur les I à cette personne et la personne a répondu texto "ah mes madame, se sont les délais, moi je ne suis pour rien dans ce qui arrive aux gens"... Le papier qui manque à la mairie "il vous reste une demie heure et le service ferme et se sera trop tard".... Puis en revenant, "ah mais il vous restait deux jours, après c'est le week-end"... Les gens des pompes funèbres qui vous plantent pendant une heure devant tous les articles pour enfant... Qu'on ne souhaiterait jamais avoir à acheter... Et vous laisse en vous disant "je vais vous faire le devis"... Une heure... Quand l'autre est revenu avec son tarif plombant... Fabrice est parti, en claquant la porte et en lui déversant tout ce qu'il avait sur le coeur !!! Nous sommes allés chez quelqu'un d'autre...
Fabrice courrait partout. il avait branché le pilote automatique, et avançait au radar. De mon lit d'hôpital, où je suis restée dix jours, parce qu'ils n'ont pas voulu me faire partir avant, vue la situation, et ça, je les en remercie, je ne pouvais pas beaucoup l'aider. Une amie qui travaille à la caf, et ses collègues ont pris les choses en charge pour nous éviter les courriers maladroits etc ! Les maladresses sont venues de la sécu... Mais bon, ça ça peut arriver.
Je me souviens à l'hôpital, le jour de la mort de mon fils, j'ai dit à une des auxiliaires, "je préfère que ça m'arrive à moi, je ne supporterais pas que cela arrive à quelqu'un que j'aime, se serait injuste".... C'est ma grand-mère qui m'avait dit ça en parlant de sa polio et de son handicap.... Et c'est ce jour là que j'ai compris ce qu'elle voulait me dire... Même si les autres n'ont pas compris, sur le moment. Je ne saurais jamais comment l'expliquer... Bien sur j'aurais préféré que ça ne m'arrive pas... Mais au delà de la douleur, de la blessure.... de la colère, ce petit être qui n'a vécu que 36 heures, à fait plus pour nous qu'on n'aurait jamais pu imaginer.