J'entends bien, mais je ne suis pas d'accord.

Il y a entre ma mère et moi une osmose et un nombre de discussions depuis 25 ans que je suis adulte qui font que je peux connaitre ses mots (qui, dans la circonstance, seraient les miens, même si ce n'est pas toujours le cas selon les sujets) ; de toute façon, elle m'a dit de vive voix ce qu'elle voulait qui figure dans le courrier, et elle le relira pour y apporter des modifs si nécessaire.
Je ne trouve pas qu'elle décharge sa fin de vie sur moi ; elle qui a toujours tout géré seule, qui n'a jamais voulu qu'on l'aide, sait à quel moment elle peut faire confiance ; et sans me "vanter" aucunement, je pense être la seule personne en qui elle a une confiance totale.
Ses décisions, elle les a prises toute seule ; connaitre la vérité sur son état physique et ne le dire qu'à moi, c'est avant tout parce que je lui ai demandé (d'être au courant de tout pour pouvoir gérer mes propres émotions).
Je l'ai assuré de mon soutien indéfectible : qu'elle choisisse la chimio ou pas, qu'elle prenne telle ou telle décision, je l'ai assurée que je ne chercherai ni à la faire changer d'avis, ni à la contrer, mais que je serai à ses côtés.
J'ai la chance d'avoir un caractère, une personnalité, qui me permettent de prendre énormément de recul ; je peux ces jours-ci parler de tout avec elle, de manière franche et non détournée, en employant des mots qui veulent dire ce qu'ils veulent dire, sans aucune émotion ; je ne dis pas que je ne ressens rien, je dis que je ne lui montre pas.
Et c'est parce qu'elle sait que je suis ainsi qu'elle peut enfin s'abandonner, parler elle aussi très clairement, sans avoir besoin de faire de détour pour ménager l'autre.
Je ne m'éteinds pas en partie avec elle ; j'essaie d'être digne du plus bel acte d'amour qu'on puisse accomplir : accompagner quelqu'un vers la mort.
En réussissant à ne pas lui rajouter mes émotions, elle a bien assez à faire avec les siennes.
(les miennes, d'émotions, j'irai les gérer ensuite dans le cabinet d'un psy ; parce que de la même façon, je refuse d'envoyer vers quelqu'un de proche ma souffrance).
Alors, oui, un petit bout de moi partira avec elle ; mais que je rédige un courrier, m'occupe de la paperasse, ou lui apporte un fromage blanc à l'hosto, je n'éteinds rien de moi.
Et de toute façon, même en posant d'éventuelles limites à l'accompagnement, ma souffrance sera la même.
Etre égoïste, oui, dans le sens où je ne m'oublie pas.
Tiens, d'ailleurs, elle m'a envoyé un texto cet aprem : "Aères-toi au maximum. Prends aussi un maximum de recul. C'est de moi qu'il s'agit, pas de toi".
Alors, oui, vous pouvez dire : "La Bambinette, elle est en plein dedans, elle n'entends pas ce qu'on lui dit" ; si, si, j'entends bien ; et oui, oui, je pense que ce que je vous dis est le reflet de la situation.
Vous pouvez même ajouter : "Elle essaie de se convaincre elle-même !"

Non, ça me fait juste du bien de mettre en mots mes maux.
Je ne dis pas qu'on peut toujours gérer les choses ainsi, quelque soit le degré d'entente avec son parent ; c'est juste que c'est faisable parce que c'est elle, parce que c'est moi.
Il y a en elle une mère qui a failli perdre son bb, et il y a en moi une toute petite fille qui a failli mourir et a vécu l'éloignement physique d'avec sa mère.
Il est là, notre lien à toutes les deux.
Et merci à toutes de votre franchise et de vos ressentis ; c'est ainsi que les relations humaines sont belles, constructives et qu'elles me plaisent !
