Maman...
P'tite Lilli:
M, on dirait que tu confonds colère, révolte et culpabilité.
Ta rage est tout à fait légitime. Personne ne peut accepter bras ballants de vivre une histoire comme tu viens de vivre. Personne. C'est inhumain de se sentir impuissant à protéger ses propres enfants, c'est inacceptable, c'est frustrant. Ce n'est pas une roulette russe, ce n'est pas un jeu, ce n'est pas une fatalité, c'est un put* de sale coup.
Mais sommes nous pour autant coupable d'avoir échoué dans nos actions ? Qui sommes nous, nous minuscules entité négligeable de l'univers, pour penser réussir à maitriser la Nature ?
Alors oui nous sommes révoltés contre cette Nature qui nous fait endurer peine et souffrance, oui c'est injuste.
Vas y crie, hurle ta colère, laisse la s'exprimer, sort tout ce qui pèse en toi. Sur le forum on parle de vider nos valises. Pose toi sur le quai et vide les, toutes.
Cela ne fait pas partie de la vie. Cette histoire va partie de ta vie, de la vôtre, celle de ton homme et de tes enfants.
Citation de: M le 16 Août 2010 à 13:41:50
Prendre un risque pour moi, pour ma vie est quelque chose que j'accepte. Je ne peux pas l'accepter pour mes enfants. Une mère est censée protéger ses bébés.
Une mère (et un père) est sensé protéger ses enfants à tout âge. Mais il n'est pas rare qu'elle échoue, faute de ne pouvoir maitriser tous les éléments...
Mon aîné va avoir 12 ans. Cela fait 12 ans que je lutte contre cette impuissance là, de ne pouvoir être sûre de le protéger envers et contre tout.
M:
Je ne crois pas confondre colère, révolte et culpabilité. Je crois éprouver les trois. Et que ces sentiments sont finalement liés.
Je suis en colère et je suis révoltée car je constate mon impuissance face à la Nature mais je n'arrive pas à l'accepter. D'autant moins qu'il s'agit d'enfants. Et comme il s'agit des miens, que j'étais censée porter pendant 9 mois, au creux de mon ventre, je culpabilise. Des milliers de questions se posent à moi : et si j'avais fait ci ou ça, aurais-je pu changer le cours des choses ? Aurais-je pu les sauver ?
Et je culpabilise aussi parce que j'ai pleuré la mort de mon premier, dont le coeur s'est arrêté de battre in utero parce qu'il lui était certainement impossible de lutter plus longtemps contre un STT. Et finalement, j'ai accepté d'arrêter la vie de mon second car la mort de son frère avait lourdement enrayé le développement de son cerveau. Comment ne pas culpabiliser de donner à l'un ce que tu as tant pleuré pour l'autre, à savoir la mort ?
P'tite Lilli, je ne connais pas ton histoire. Tu dis lutter depuis 12 ans contre ton impuissance de ne pouvoir protéger ton aîné envers et contre tout. J'espère sincèrement qu'il n'est rien arrivé, à aucun de tes enfants. Mais moi qui ai ressenti cette impuissance dans ma chair et avec le résultat que je connais aujourd'hui, je te demande comment repartir ? Comment accepter de reprendre le risque en ayant d'autres enfants ?
C'est pour ça que je parle de roulette russe. Ce n'est pas un jeu. Je le sais. Car il n'est pas drôle du tout. Mais la grossesse est un risque. Si elle ne l'était que pour moi encore, ce serait acceptable. Mais ma vie ou ma santé, appelons ça comme on veut, n'est pas la seule en jeu. Pire, mes petits garçons sont morts et mon corps va bien.
P'tite Lilli:
Il n'est jamais rien arrivé de grave à aucun de mes gars. Ce que je voulais dire, c'est qu'on se sent souvent impuissant à protéger nos enfants. Même quand tout va bien.
Je ne connaissais pas le détail de votre histoire, je suis désolée si mes propos t'ont incitée à une confidence que tu ne souhaitais pas.
Je comprends mieux ton sentiment de culpabilité. Mais je serais bien prétentieuse en écrivant pouvoir de te donner les clés du comment repartir.
Tu as fait, vous (avec le papa) avez fait un choix. Il est respectable parce qu'il est votre choix, personne ne vous jugera, personne ne questionnera. Vous avez fait un choix qui vous semblez le meilleur pour votre enfant, ne doute pas de ce choix là.
La grossesse n'est pas le seul risque que tu prends quand tu décides de donner vie à un enfant. Elle est simplement le premier.
Ne reste pas sur cette idée là. Laisse le temps au temps. Il ne permet pas d'accepter, il ne permet pas d'oublier, il permet simplement de pouvoir écrire un nouveau chapitre de ton histoire.
Je n'aime pas lire Citation de: M le 17 Août 2010 à 12:00:11
et mon corps va bien.
Tu n'as pas de mauvaises idées en tête j'espère ?
Suzy78:
M je n'ai pas vécu la même histoire que toi, mais seulement le même choix d'arrêter la vie d'un enfant que je portais car elle aurait été insoutenable à vivre.
Je n'ai pas de réponse à apporter à tes questions, sache juste que j'accueille ta révolte dans mes bras, tu peux te débattre, pleurer, crier, il y a des épaules qui te soutiennent.
Sache qu'un jour, on est prêts à retenter cette chance d'avoir un enfant, un jour pas différent de la veille / du lendemain, un beau jour, on tente, et dans mon cas, on accueille les frères et soeurs de l'enfant dont on porte le deuil.
Voilà, je voulais juste te dire que c'était possible.
La colère, la révolte, la culpabilité, elles s'effacent.
Le chagrin, le manque, l'impuissance, ils restent toujours, et on apprend à vivre avec.
Pleins de pensées pour tes anges et merci pour le beau texte que tu as posté.
M:
P'tite Lilli, tu ne m'as pas incitée à des confidences que je ne souhaitais pas. Je ne comptais pas raconter mon histoire en détail, c'est vrai. Tout est parti du premier texte que j'ai écrit, des réactions qu'il a suscitées et du besoin que j'ai ressenti de me justifier après ta réponse.
Rassure-toi, ce n'est pas propre à toi, je passe mon temps à me justifier en ce moment dès que je parle de mon histoire. Les questions de mon entourage ne sont pourtant pas mal intentionnées, je le sais. Mais j'ai souvent l'impression d'avoir mal fait et que certains de mes choix signifient peut-être que je n'ai pas été une bonne mère.
C'est peut-être pour ça que j'ai publié mon texte au départ. Coucher noir sur blanc ce que j'espérais dans ma tête que mes enfants pourraient me répondre était peut-être un moyen de soulager un peu toute cette souffrance. Et finalement, je m'en suis voulue après.
Citation de: P'tite Lilli le 17 Août 2010 à 14:58:14
Tu n'as pas de mauvaises idées en tête j'espère ?
Mon mari m'a fait promettre de ne pas l'abandonner, quoiqu'il arrive. Alors je me tiens à cette promesse.
Mais je dois avouer qu'au fond de moi, je me suis dit que je serais bien partie avec mes petits bonshommes lorsque l'équipe médicale est venue vérifier en salle de "naissance" qu'il n'y avait pas de complication, pas d'hémorragie. Simplement pour être avec eux, pour ne pas les laisser seuls, pour les protéger et les aimer encore, juste un peu plus longtemps.
Quand j'ai dit que "ce qui était pire, c'était que mes petits garçons étaient morts mais que moi, mon corps allait bien"... c'est simplement que cette idée m'est insupportable en ce moment.
Comme beaucoup de femmes, j'ai été très affaiblie les trois premiers mois de ma grossesse. Mais quand je me suis sentie mieux de nouveau, que j'étais pleinement heureuse, c'est là que tout a dégénéré pour eux. Et je n'arrive pas à supporter cette idée, de ne rien avoir senti, d'avoir été bien physiquement quand tout allait mal pour eux.
Aujourd'hui, ils sont morts, ils ont certainement beaucoup souffert et moi, mon corps va bien, pas de trace de tout ça, pas de blessure visible. Finalement, comme si rien ne s'était passé.
Suzy78, merci pour ta réponse. Je vais m'accrocher à ça.
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