Coucou
Tout d'abord je souhaite que l'année 2015 apporte aux futurs parents de mono-mono autant de courage, de chance et de bonheur que nous avons pu en avoir en 2014 et les années précédentes.
Ensuite... je viens donner quelques nouvelles. Je pourrais écrire un livre avec tout ce que nous avons vécu, 2014 a été extrêmement dense en émotions, événements, activités, bonnes et mauvaises nouvelles... Enrichissant et épuisant en même temps. Ce que l'on peut dire, c'est qu'il y a eu un avant et un après 2014.
J'ai bien envie de commencer par quelques chiffres. Mon côté pragmatique. 1% de 30% de 1,5% Ahaaa? Explications:
(merci à nos amis du québec:
https://www.facebook.com/APJQ.net/photos/a.390535419835.170983.293282049835/10152759873564836/?type=1)
Et comme les grossesses gémellaires représentent environ 1,5% des grossesses en général... (1 couple de jumeaux pour 85 naissances, selon les derniers chiffres que j'ai pu trouver), on peut sans hésiter se dire que nos loulous sont de vrais stars des statistiques.
Les autres statistiques, mieux vaut ne pas les regarder. Mais ça vous le savez, à vos dépens peut-être, c'est un excellent remède contre le sommeil et la sérénité. Donc autant il est extrêmement rare de rencontrer des mono-mono, autant il faut croire à sa bonne étoile et se dire que les miracles sont possibles!
Une photo pour résumer notre année:
Forcément, difficile encore de bien tenir assises, heureusement que la girafe et la grande sœur sont là. Pas encore eu le temps de développer les tonnes de clichés, alors j'en ai pris un dans le lot pour partager ma fierté d'être Papa de mes trois amours. Le chemin à parcourir est rude, il ne faut pas se raconter des histoires, on en chie un maximum. et ça ne se passe pas toujours comme on l'avait prévu même quand on a pris toutes les précautions et que l'on s'est entouré de la crème médicale, mais même avec les incidents de parcours, le bonheur est intact.
Petit récap.
- Début Novembre 2013: ma femme m'annonce qu'elle est enceinte, test de grossesse dans un paquet cadeau
. Confirmé par la prise de sang qui suit quelques jours plus tard. Un vrai miracle vu notre parcours pour avoir notre aînée!
- 21/11/2013: première écho à 8SA : un bébé, tout va bien, il est bien accroché, c'est la fête à la maison car 100% naturel celui-là
- 24/12/2013: seconde écho, 12SA: deux bébés, mono mono, surprise et choc. Choc car nous apprenons qu'il s'agit d'une grossesse à risque dans une configuration particulièrement rare. Notre gynéco nous oriente immédiatement vers l'UZ LeuvenCampus Gasthuisberg et une spécialiste qui connaît bien ce type de grossesse. Nos gygy continue d'assurer le suivi localement, sous la supervision de Leuven, et toute la fin de la procédure sera effectuée à Leuven
- 31/01/2014: premier RDV avec le Pr. L. à Leuven. Nous sommes pris en charge de façon absolument remarquable. Nous avons des objectifs dans le temps. Nous savons quels sont les risques, mais aussi les mesures préventives.
- 14/03/2014: second RDV avec le Pr. L. à Leuven. Tout va toujours bien.
- A partir du 24/12/2013: échographie complète toutes les deux semaines
- A partir de Février 2014: mon épouse est mise en arrêt de travail par le gynécologue
- Le 04/04/2014 à 28SA, mon épouse est hospitalisée à Leuven en service MIC (procédure standard pour les mono-mono), avec 3 monitoring par jour, échos 3 à 4 fois semaine, etc...
- Le 30/04/2014 à 31SA + 4j: naissance des filles par césarienne, direction le NICU de Leuven. Dans ce service nouvellement rénové, un enfant par chambre de soins intensif. Quelques chambres ''jumeaux'', mais seulement possible une fois les filles stabilisées. Ci-dessous, M. dans la chambre orange, L. dans la chambre verte
J'ai pris environ 2000 photos sur 7 semaines en néonat. Pour voir l'évolution des filles, et aussi immortaliser les grands moments. Les peau à peau, les soins, etc.... J'ai choisi de ne pas vous en montrer trop, car ce sont des moments qui nous et leur appartiennent. Pourtant j'en meure d'envie car elles sont adorables!!! Même avec tous ces dispositifs médicaux, elles sont craquantes. Et rapidement avec des petits habits, des couvertures rigolotes, des doudoux adaptés... Je peux juste vous en montrer une que nous avons partagé avec nos amis qui n'ont pas pu venir voir les filles à Leuven.
M. sous les UV (jaunisse, on a ri en voyant les lunettes de protection
) pas mal câblée. CPAP avec un infant mask (impressionnant car volumineux mais en réalité peu invasif), monitoring cardio respiratoire sur le torse, pulsoxymètre au pied, cathétaires ombillicaux (2, dont un pour la TA en temps réel et les injections de médicaments, et l'autre pour une partie de l'alimentation), sonde gastrique, et drain thoracique pour finir (pneumothorax, il fallait bien drainer l'air...). Du chinois tout ça? Mais rien de barbare finalement. Et surtout que de bonnes choses dont nos filles ont pu profiter aujourd'hui et qui leur ont permis d'être parmi nous! Merci la médecine et l'évolution des technologies! Voyez tout ceci comme une bonne chose plutôt que comme quelquechose d'effrayant.
A la naissance, L faisait 1,400kg pour 40cm et M 1,390kg pour 39cm. Elles respiraient spontanément mais ont eu besoin malgré tout d'une CPAP pendant une dizaine de jours. M. a dû recevoir une dose de Surf*ct*n à j+1 pour accélérer la fin de maturation pulmonaire, et a surtout dû résorber un pneumothorax donc supporter un drain thoracique peu confortable... Nous avons pu avoir L. en peau à peau (ils appellent cela le kangaroo care) dès le 3ème jour (avec tous les fils, tubes et tuyaux!), et M. après 7 jours(quand le drain thoracique a été retiré). Je vous passe les tonnes de détails médicaux, mais nous avons toujours été très bien informés, on nous a tout expliqué, et nous avons surtout rapidement pu:
- faire du peau à peau (entre 3 à 6 heures par jour par fille!!), ils considèrent que c'est très important, et nous avons pu le constater sur les monitorings et sur l'évolution des filles... quasi jamais d'apnée ou de brady quand elles étaient sur nous!
- faire des soins, donc nous sentir utiles! Dès le 3ème jour! Changer le pulsoxymètre de place régulièrement à chaque change, changer les couches (les peser, suivre la procédure etc...), donner le lait à la seringue dans la sonde (on a commencé avec 1ml!!!!). Ca paraît peu, mais quand on y est, c'est juste le bonheur absolu! Ceux qui sont passés par là le comprennent.
- habiller les filles
Je pourrais en parler des heures.
- 03/05/2014: premier peau à peau avec L
- 06/05/2014: premier peau à peau avec M
- 08/05/2014: hop on nous transfère dans une chambre pour jumeaux!!! du coup les peau à peau se font enfin tous ensemble!! Et aussi faire des peau à peau doubles, donc avec les deux filles sur un seul parent. Juste génial, énorme, niveau émotion c'est simplement indescriptible.
Le passage en chambre jumeaux signifie que les filles ne sont plus en code rouge ou orange, donc que l'on a pu retirer les CPAP et le drain thoracique.
A partir de là, on s'imagine que tout va bien rouler. Et nous passons une semaine à vivre avec le sourire au rythme de la néonat, c'est à dire complètement hors du temps, comme la semaine d'avant depuis l'accouchement. On arrive tôt, on part tard, on vit sur place au rythme des soins et des filles. On a du mal à différencier le jour et la nuit. Notre fille aînée nous manque, heureusement que Skype existe.... avec avec nos tablettes nous communiquons souvent avec elle (Leuven se situe à 200km de la maison). On ne s'en rend pas compte, mais les journées sont totalement épuisantes. On n'arrête pas. On passe des heures avec nos filles. Le peau à peau ça fatigue aussi, on puise dans nos ressources. J'ai eu la chance de pouvoir bénéficier d'un congé extraordinaire, accordé aux parents dont les enfants passent plus de 2 semaines d'affilée à l'hôpital. J'ai donc pu rester avec mes filles et mon épouse tout le long des 7 semaines d'hospitalisation en néonat. On n'était pas trop de deux!
L'encadrement sur place est formidable. Humainement, médicalement, techniquement, logistiquement. Nous n'avons pas vécu cette expérience comme un traumatisme. Le fait de savoir à l'avance qu'il y aurait une naissance prématurée, une hospitalisation, de la néonat, le fait d'avoir pu visiter, d'avoir pu poser des questions avant, d'avoir pu s'y préparer psychologiquement et aussi logistiquement (mine de rien, ce n'est pas un détail), tout ceci nous a permis de vivre au mieux ces 7 semaines et d'être à 100% disponibles pour nos filles moralement et physiquement. Un des ''avantage'' de la grossesse mono-mono. Se réjouir de petites choses, avancer pas à pas, se préparer au pire pour vivre le meilleur.
Nous avons pu côtoyer des parents qui n'avaient pas cette chance. Cet hôpital reçoit en effet des cas assez lourds, et franchement on se demandait parfois si on avait vraiment notre place là-bas comparé aux autres. En réalité: oui. Mais on ne s'en rendait simplement pas compte, probablement un mécanisme de protection inconscient.
- 19/05/2014: quand nous entrons dans la chambre le matin, une pédiatre nous accueille et nous demande si nous allons bien. Je déteste que l'on commence une conversation comme ça dans un cadre médical, parcequ'en général, ça précède une conversation plutôt désagréable. La suite, vous vous en doutez, étaient moins réjouissante. Nous avons appris ce matin-là que l'échographie cérébrale de L. avait révélé des anomalies. Dans le protocole de suivi des grands préma, les équipes médicales de Leuven réalisent de façon systématique des échographies du cerveau à différents moments (puisque les risques à ce niveau sont importants pour les préma). Afin de détecter immédiatement tout problème. Tout était donc bon les premiers jours. mais la 2ème semaine... malheureusement, quelquechose s'est passé. Là évidemment... le sol se dérobe sous vos jambes. Je ne vais pas m'attarder là-dessus. Une IRM est donc prévue le Mercredi 21/05/2014. Pendant 3 jours, notre vie s'est arrêtée. Suspendue au verdict de l'examen. Heureusement que les filles étaient là pour nous donner du courage.
- 22/05/2014: verdict du neuropédiatre à la lecture de l'IRM: AVC avec deux infarctus dans la partie gauche du cerveau. Il nous a expliqué cela de façon remarquable, en faisant un petit schéma, en donnant les explications utiles. En répondant à nos questions. La première question a été: pourrons-nous communiquer avec elle? Quand la réponse fût positive, notre réaction a été plutôt étrange. Nous avons été soulagés. C'est dingue non? Quand il nous a expliqué les possibles séquelles (hémiplégie ou hémiparésie, retards mentaux, épilepsie), en situant le handicap entre modéré et sévère... (donc ni léger, ni très sévère), nous avons réagi tout aussi étrangement en nous disant que finalement, ce n'était pas si grave. Était-ce du déni? Avec le recul je peux confirmer que non. Nous avons simplement passé 3 jours à nous demander si L. allait être un légume. C'est cru mais exactement en ces termes que nous avons réfléchi. Et quand nous avons appris que nous allions pouvoir communiquer avec elle, nous sommes passé directement à la case acceptation. 8 mois plus tard nous n'avons jamais fait marche arrière. On s'est forcément posé des questions. Et si elle n'avait pas eu une TA aussi élevée. Et si le problème était survenu durant l'un des essais de placement d'une voie profonde, et si... et si... mais en fait, quand c'est fait, c'est fait, et tout ce que l'on peu et que l'on doit faire, c'est voir quelles sont les solutions pour aider nos amours à avancer! Et nous aussi par la même occasion.
- 23/05/2014: énorme frayeur en rentrant dans la chambre: plus de couveuse!!! En réalité, les filles avaient été transférées de nouveau dans deux chambres séparées. Car ils avaient besoin de la chambre jumeaux pour accueillir un enfant avec une ECMO. Quand on a vu le matos.... on a trouvé que finalement nos filles avaient eu la chance de n'avoir que quelques câbles et tuyaux... J'en ai encore froid dans le dos, j'ai croisé le papa dans le couloir et j'ai vite appelé une infirmière il était pâle comme un linge. Je l'aurais été pour moins. Alors quand on voit par quoi passent d'autres bébés... on prend conscience de la chance qu'on eu les nôtres!!!
- 26/05/2014: transfert vers la néonat de notre domicile. Nous allons pouvoir retrouver notre aînée! Et remettre en place une vie un peu plus normale. Si nous n'avions pas eu A. nous serions restés jusqu'au bout à Leuven, mais comme il s'agissait de faire les ''finitions'' (prise de poids, sevrage de la sonde pour passer au bibi, sevrage de la caféine, etc....), nous avons choisi de revenir dans une plus petite et moins performante néonat, les risques étant désormais derrière nous. Ca nous a fait un peu bizarre au début... et nous avons eu quelques fois l'occasion de nous fâcher. Nous avons surtout bien compris que nous avions évité le pire à nos filles. Et que les sacrifices consentis pour être suivis à Leuven étaient juste INDISPENSABLES!!!! Il aurait été criminel de ne pas choisir cette option.
- 13/06/2014: sortir de la néonat et retour avec la maison (OUF!!!! parceque nous envisagions un transfert sur Leuven ou Luxembourg pour échapper à ce service d'une médiocrité consternante). Les filles sont passées au bibi, plus de sonde gastrique. Par contre pour chacune, monitoring cardio respisatoire portatif en permanence.... Galère galère, logistiquement complexe. Mais rassurant cependant.
- 09 et 10/08/2014: je retourne à Leuven avec L. pour faire toute une batterie d'examens (IRM, neuro, kiné etc...) et réaliser un test du sommeil complet (avec EEG et la totale... bonjour la galère pour changer les couches avec tout ça!!! j'ai pas dormi de la nuit!! ). Résultat: OK! J'ai quand même dû laisser le monito branché sur le chemin du retour puisque L. avait été sédatée pour l'IRM, mais le lendemain, fini le monito! YOUHOU!
- 24 et 25/08/2014: je vais cette fois avec M. à Leuven pour effectuer les mêmes tests que L. (sans l'IRM). Résultat: OK! Donc fini le monitoring pour elle aussi.
Je pense que c'est à partir de là que nous avons enfin sorti les pieds de l'hôpital et recommencé à vivre ''normalement''. Les 8 premiers mois de l'année ont été ultra costauds. Mon épouse a été d'un courage et d'une sérénité extraordinaires, ma grande fille a été également fabuleuse, nous lui avons tout expliqué, elle est venu à Leuven aussi (merci les Grands Parents et la Marraine). Lorsque les filles sont revenues à la maison, elle les a accueilli à bras ouverts, une vraie petite maman, aucune régression, pas de rejet, un vrai petit amour.
La Marraine de L et M est aussi venu habiter à la maison pendant 2 semaines pour nous aider au début. Quel cadeau merveilleux!
Après tout ça, finalement, rien ne paraît vraiment insurmontable. Nous avons dû batailler depuis notre trou paumé pour trouver le soutien nécessaire pour nos filles. Et mettre en place la logistique indispensable pour le suivi.. Au final, nous allons à Leuven pour le suivi général, et localement, nous avons une pédiatre géniale, une kiné formidable (spécialisée bébés, enfants et handicaps). Ca peut vous paraître bête ce que je dis si vous habitez dans une grande ville et que vous n'avez qu'à vous pencher pour trouver les bons spécialistes réputés, mais par ici... c'est la galère. Donc avec une bonne organisation, de la flexibilité au bureau et tout notre temps libre investi pour nos filles, nous avons pu caser une séance de kiné par semaine pour chaque fille, 3 séances de logopède (= orthophoniste en France) pour notre grande, les RDV de suivi aide précoce, et d'autres RDV périodiques médicaux. C'est vraiment ça le plus galère, la logistique pour le suivi médical. Pour le reste... ben ce sont deux bébés en une fois au lieu d'un. Et franchement c'est ce qui nous paraît le moins difficile!
Nous avons aussi cette chance d'avoir sur très tôt pour L. Car cela nous a permis de mettre immédiatement en place le suivi nécessaire. Et nous voyons déjà le résultat positif! Au moment où s'est produit l'AVC, le cerveau n'était pas encore définitivement formé. Nous avons tout de suite commencé à la stimuler (comme sa sœur d'ailleurs), et à faire de la kiné spécifique. Pour stimuler les parties touchées et aider le cerveau à compenser, et tenter de limiter la sévérité des séquelles. Aujourd'hui L. se sert de son bras droit, y compris de la main. On voit évidemment des difficultés des raideurs, mais ça prend un chemin encourageant. On en a pour des années de kiné, mais on va pouvoir éviter des problèmes lourds. Niveau jambe, le pronostic actuel indique qu'elle pourra probablement marcher, en boitant, mais il n'est pas dit qu'elle acceptera de le faire, certains enfants préférant la chaise pour une question de facilité et de vitesse de déplacement (on en apprend tous les jours). Pour l'instant, aucun épisode épileptique. Et pour l'éveil, ça fonctionne bien, elle a peut-être 2-3 semaines de retard par rapport à sa sœur. Voir que les efforts portent leurs fruits nous encourage encore plus dans nos efforts. Et nos filles sont courageuses, volontaires, elles croquent la vie à pleines dents!
Aujourd'hui nous sommes heureux, et soulagés. Nous vivons avec des enfants différents (notre grande a aussi des problèmes... ), sans que cela n'affecte notre bonheur. On a tellement conscience de la chance que nous avons eu que finalement le handicap... n'est pas une fatalité, mais plutôt une force!. Cette aventure nous a changé, et moi tout particulièrement. Je pense en bien (mais je laisse Sabine faire son commentaire, on ne sait jamais!). Oui nous sommes épuisés, nous n'avons plus ou très peu de temps pour nous.... mais nous ne nous en plaignons pas du tout! Il m'a fallu quand même quelques semaines pour accuser le coup du retour à la maison, et puis.... mon monde s'est transformé, mon projet de vie s'est adapté, et je suis aujourd'hui un mari et un papa comblé, et TELLEMENT FIER!!!!. Mes filles sourient tout le temps, communiquent, jouent, ont un caractère très différent mais tellement attachant.