Louvette, je ne crois pas qu'on demande plus à la victime de changer qu'à l'agresseur. Je pense juste qu'effectivement, un enfant qui est très inhibé face aux moqueries et autres actes pouvant être agressifs doit apprendre à s'en défendre parce que, malheureusement, la vie n'est pas un long fleuve tranquille...
Je vais te parler d'un de mes fils, ce n'est pas un cas similaire à celui de ta fille mais c'est juste pour te montrer les enjeux de la confiance en soi vis à vis des autres...
D, à la maternelle (et même avant), était très vif. Une pile. Il était souvent puni car il bougeait beaucoup, faisait des bêtises, tapait. On n'a pas compris tout de suite mais petit à petit: en fait, il était comme ça parce qu'il manquait cruellement de confiance en lui. "J'ai pas de copains... Je suis nul ... Je suis méchant... Je suis un vilain..." Voilà ce que l'on entendait. Ca me rendait malalde. Et puis on a creusé et on s'est aperçu qu'il prenait tout pour argent comptant, qu'il n'avait aucun recul sur les faits. Un exemple: s'il se faisait bousculer (ce qui arrive fréquemment dans les cours de récréation !), il vivait ça comme une attaque, une agression et du coup, il poussait ou tapait. Il a fallu du temps pour qu'il comprenne que non, les autres n'en avaient pas après lui, que ça arrivait qu'on bouscule quelqu'un sans le faire exprès ... Dès qu'un copain ne voulait pas jouer avec lui, c'était la catastrophe, personne ne l'aimait, il n'avait pas de copains...
Bref, tout ça pour te dire que c'est important que l'enfant ait confiance en lui, qu'il apprenne à faire la part des choses entre les petits désagréments de la vie en collectivité (qu'il faut prendre avec du recul pour ne pas se pourrir le quotidien) et les agressions (qu'il faut apprendre à ne pas subir).
Ca me semble important pour que, à la longue, la collectivité ne soit pas vécue comme une pourvoyeuse d'agressions en tous genres, sinon, c'est un mal-être profond qui peut s'installer dès que l'on se retrouve au milieu d'un groupe.
Pour mon fils, ça va beaucoup beaucoup mieux depuis l'entrée au CP. Maintenant il dit qu'il a des copains, plus de problèmes de punitions. C'est juste au centre de loisirs où c'est parfois un peu difficile (mais c'est son ressenti, qui ne reflète pas vraiment la réalité car ça se passe bien. Mais la confiance en soi, ça peut rester fragile !)
Pour ce qui est des agresseurs, on leur demande forcément de changer mais la maîtresse ne va pas pour autant t'en dire plus sur ces enfanst-là, leurs problèmes et ce qui est déjà fait. Elle n'a pas à le faire, elle a juste à t'assurer que ces enfants ne restent pas impunis et que le problème est pris en compte. J'ai déjà eu à faire face à ce genre de situation, on ne peut pas dire plus aux parents de l'enfant victime que "Oui, nous avons conscience du problème, nous agissons, nous connaissons bien l'enfant en question, ne vous inquiétez pas, nous nous en occupons."
On n'a pas à en dire plus sur ces enfants-là. Il faut que tu saches que les enfants repérés comme agressifs envers les autres sont connus et reconnus, que souvent (mais pas toujours), il y a des familles difficiles derrière, que ce sont souvent des situations compliquées même pour les équipes enseignantes: punir et essayer de faire progresser ces enfants sans les stigmatiser aux yeux des autres, ce n'est jamais facile ! Ces enfants, comme les enfants-victimes, finissent par s'identifier à leur comportement et ne savent, au final, plus faire autrement. C'est très très complexe.