Voilà donc le récit (qui a dit roman...??!!
) de mon expérience (écrit cette nuit, j'espère que ce sera assez clair...
):
J’avais déjà 2 filles, que j’ai chacune allaitée pendant 1 an environ, sans soucis majeur, ça n’a été que du bonheur. Lorsque j’ai appris que j’attendais des jumeaux, la question ne s’est même pas posée (dans mon esprit en tout cas), il était évident que j’allaiterais ces 2 enfants de la même façon que j’avais allaité les autres. 2 bébés, 2 seins, pas de problème.
Bien sûr, quand j’annonçais la nouvelle autour de moi, les gens me posaient souvent la question d’un air surpris (au minimum…) : « tu vas les allaiter ? », mais je n’aurais jamais cru que le fait de croire qu’on ne peut pas allaiter 2 enfants était parvenu jusque dans ma maternité…
Car en ce lieu que j’avais choisi depuis toujours pour venir mettre au monde mes enfants, dans cette maison de la naissance où je me suis sentie si bien, où j’ai senti tout le soutien dont j’avais besoin pour démarrer mes premiers allaitements (surtout le premier, une jeune maman se pose toujours beaucoup de questions…), ce lieu où l’on encourage pourtant les mamans au cododo, à garder leurs enfants prêt d’elles au lieu de les laisser en nurserie la nuit, ce lieu où bien sûr, l’allaitement est soutenu et mis en avant, je n’aurais jamais cru que l’on puisse y faire autre chose que de me soutenir dans mon choix (pour ne pas dire tenter carrément d’en aller à l’encontre…).
Et pourtant, après un accouchement de rêve, j’ai eu droit à un séjour en maternité désastreux, déprimant, destructeur…
Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir été rapidement pris en charge par le service de néonat (au lieu du servir normal comme lors de mes autres séjours), mais très rapidement, j’ai eu le sentiment d’être complètement dépossédée de mon rôle de mère.
Pourtant mes enfants étaient en pleine forme, avec des poids « respectables » pour des jumeaux.
Mais mon fils avait un taux de sucre un peu faible à la naissance, du coup, malgré le fait que les premières tétées s’étaient bien passées, ont lui a très vite donné des compléments (sans vraiment me laisser le choix, en me faisant bien comprendre que je serais une criminelle de ne pas accepter…). Rapidement, gavé par les compléments, il n’avait pas faim au moment où on me disait de le réveiller pour le faire téter (au bout de 3 heures), donc, il ne tétait pas, donc, il fallait « absolument ! » lui donner un complément… Le cercle vicieux était lancé…
Ma fille tétait aussi très bien, pas de problème de sucre, mais comme elle ne tétait pas assez longtemps à leur goût (elle s’endormait après quelques minutes), il a vite « fallu » la complémenter elle aussi, ce qui a bien sûr eu sur elle le même effet que sur son frère…
Ma montée de lait est arrivée, mes seins ont explosés, j’ai eu des douleurs atroces, parce que du coup, aucun des deux bébés ne pouvaient plus me désengorger les seins…
Ils tétaient de moins en moins, avaient de plus en plus de compléments…
Avec les changements d’équipe, je rencontrais au minimum 4 ou 5 personnes différentes par jours, et donc 4 ou 5 discours différents…
Je faisais ce qu’une personne me disait (« comme ils prennent bien, vous pouvez ne pas donner le complément systématiquement, mais seulement s’ils ont encore faim après la tété »), pour me faire engueuler pas la suivante (« mais non ! Il faut leur donner le complément systématiquement, pour qu’ils reprennent du poids !! »), bref, on m’a complètement infantilisée, irresponsabilité, on a absolument pas écouté mes sentiments et mes instincts de mère (qui avait quand même déjà allaité 2 enfants…), et on m’a même souvent totalement méprisée (par exemple une nuit, alors que je discutais avec la puéricultrice de l’utilité d’un complément qu’elle voulait donner à un de mes petits –pas que j’étais radicalement contre, simplement, je voulais être sûre que chacun d’eux soit vraiment nécessaire, afin de laisser une chance à mon allaitement- je l’ai entendu me répondre qu’elle n’avait pas l’intention de « batailler » avec moi toute la nuit et qu’elle allait m’envoyer le pédiatre ! Constructif ce genre de menace…).
Plus les jours passaient, plus je me sentais mal, je me sentais fliquée, je devais demander l’autorisation avant de mettre mes enfants au sein, le faire en présence d’un membre du personnel (afin qu’ils vérifient s’ils tétaient correctement et viennent donner le complément). On me disait que ce n’était pas dramatique de ne pas les allaiter, et que peut-être plus tard, ils auraient envie d’y revenir… On m’a forcé à les mettre au biberon (au début, ils étaient au doigt-seringue) si je voulais rentrer chez moi, bref, un cauchemar, je n’avais qu’une hâte : partir !!!
J’y suis finalement parvenue, je suis rentrée chez moi (parce que je me suis battue et que les petits pouvaient y être suivi par une sage-femme). Avec le sentiment de sortir de prison… Avec mon fils qui prenait le sein + des compléments, et ma fille qui ne tétait pratiquement plus…
J’ai vécu des moments très difficiles, parce que même si je me disais que le plus important était qu’ils aillent bien, allaiter fait pour moi tellement parti de mon rôle de mère, que ne pas y parvenir aurait été pour moi une souffrance énorme…
Depuis le début, je sentais bien que ces fichus compléments coupaient l’appétit de mes enfants, les gavaient, et que 3h après, ils n’avaient pas faim ! Je voyais bien que quand ils n’en prenaient pas, ils tétaient beaucoup mieux, plus efficacement, plus longtemps. Mais les pédiatres et les puéricultrices de la maternité (du moins, presque tous), m’avaient tellement culpabilisée sur le poids de mes loulous, m’avaient fait me sentir tellement inutile et irresponsable (comme si j’allais laisser mes enfants crever de faim…), que je doutais de moi, de mon jugement, de ma capacité à savoir ce qui était bon pour eux.
Fort heureusement, il y a eu ma sage-femme, celle qui m’avait déjà suivie pour mes précédentes grossesses, celle qui me connaît un peu, sait que je ne suis pas irresponsable. Elle m’a fait confiance, en marchant sur des œufs, elle m’a laissé juste assez de marge de manœuvre, m’a offert suffisamment de confiance pour que je puisse relancer mon allaitement.
Elle m’a laissé tenter de ne pas donner de complément à mon fils, il a continué à prendre du poids. Elle a pris du temps pour m’aider à faire téter ma fille, elle a recommencé à téter, j’ai pu diminuer ses compléments. Puis, comme je ne supportais plus de galérer pendant des heures à tenter -en vain- de réveiller ma puce, avant de devoir la gaver de force avec le biberon, j’ai tenté de supprimer ses compléments également. Elle a tout de suite mieux tété. C’est même là que j’ai entendu ses pleurs de faim pour la première fois (je n’aurais jamais cru qu’entendre l’un de mes enfants pleurer puisse m’apporter autant de joie), elle s’éveillait, enfin !!
J’ai pu enfin ranger mon tire-lait et mes biberons. C’était il y a presque un mois, une victoire. Mais malgré cela, les doutes semés en moi par ces personnes à la maternité m’ont encore hantée quelques temps… Et puis, ils se sont estompés, petit à petit…
Jusqu’à hier : 1ère pesée depuis 15 jours, mon petit père fait 3,620kg (pour 2,410kg à la naissance), et ma princesse 3,400kg (pour 2,670kg à la naissance) !!
Je peux souffler, enfin, je suis rassurée, et, même si je n’avais pas le sentiment d’y penser vraiment, je me rends compte maintenant à quel point tout ça m’a pesé ces dernières semaines…
J’ai chaleureusement remerciée ma sage-femme hier (en lui offrant des chocolats !!), parce que même si elle n’a pas fait grand-chose dans la pratique, je pense que sans son soutien et sa confiance, je n’aurais sans doute pas retrouvé celle que j’avais en moi-même et en mes capacités de mère, et je n’aurais sans doute pas réussi à allaiter ma fille.
Aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre, mon allaitement n’est que du bonheur.
Les allaiter séparément m’apporte la même joie immense que pour mes filles. Les allaiter ensemble, voir leurs 2 petites têtes et leurs petits yeux derrière mes seins en même temps me comble à point que je n’aurais même pas imaginé…
Dans quelques mois, j’aurais sûrement presque oublié ces premiers instants difficiles. Mais je m’interroge : et si ça avait été mes premiers enfants ? Et si je n’avais pas déjà l’expérience et l’assurance d’une mère qui a déjà allaité plusieurs enfants, aurais-je tenu ? Serais-je arrivée à allaiter mes enfants ?
Je suis persuadée que non.
Je suis quelqu’un qui a du caractère, je ne me laisse pas facilement démonter, mais malgré cela, ils ont réussi à me faire douter de moi et de mes enfants, alors une jeune maman sans expérience n’aurait eu aucune chance… Elle serait sans aucun doute passée à côté de la joie immense d’allaiter ses enfants.
Tout ça parce que des gens pensent savoir ce qui est le mieux pour nous (et nos enfants).
Tout ça parce que les préjugés idiots ont la peau dur et que certains croient que ce qui sort de l’ordinaire est impossible…
Je trouve cela injuste, les mamans de jumeaux devraient recevoir encore plus que les autres le soutien nécessaire à l’accomplissement de leur allaitement, et pas se voir mettre des bâtons dans les roues par des personnes qui ne savent sans doute même pas de quoi elles parlent !!
Merci à ceux qui m’auront lu jusqu’au bout, désolée du pavé, mais ça fait du bien de vider son sac parfois…