♥ayaya♥
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« Répondre #110 le: 07 Octobre 2013 à 23:33:19 » |
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Un peu de lecture ! ;)MSN, allaitement et sommeil partagé : le point
Dans un précédent post, il était question du sommeil de l’enfant en lien avec l’allaitement. Y étaient présentés, les principaux résultats d’études sur la nature du sommeil des tout-petits, notamment la fréquence élevée des réveils nocturnes comme élément protecteur façonné par l’évolution (mise en alerte de l’enfant en cas d’inconfort pouvant menacer sa survie). Nous avions aussi évoqué le fait que l’allaitement favorisait des réveils nocturnes du bébé, et que du côté des mamans, il n’y a pas de preuve suffisante affirmant que l’allaitement avait un impact négatif sur leur sommeil global. En effet, de nombreuses études, ont montré que les mères allaitantes choisissent le sommeil partagé (ou cododo) ce qui est pratique et permet de limiter la fatigue (que ce soit pour la durée totale de la nuit ou après le premier éveil de l’enfant). Bref, à toutes les mamans qui souffrent du manque de sommeil causé par de fréquents levers pour réveils nocturnes et pleurs à consoler, j’ai envie de dire que le cododo reste la solution N°1, approuvée et adoptée par un bon nombre de pratiquantes.
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Le problème, est que bien des parents ont peur de partager le sommeil de leurs enfants pour diverses raisons : peur d’écraser bébé, peur de le rendre capricieux, et enfin peur de la Mort Subite du Nourrisson (MSN). Cette dernière est l’une des plus grande angoisse ressentie par les parents : c’est bien normal qu’ils cherchent des informations fiables pour éviter de se placer dans les circonstances à risque. Or il n’est pas facile d’y voir clair parmi l’ensemble des études divergentes (en particulier le sommeil partagé) relayées par bon nombre de canaux.
La mort subite du nourrisson
Ce syndrome est le terme médical défini en 1963, diagnostic d’exclusion posé lorsqu’un enfant n’ayant à priori aucun problème de santé décède durant son sommeil plus particulièrement entre 8 et 16 semaines (mais cela peut se produire jusqu’à l’âge d’un an). L’examen postmortem ne révèle aucune cause particulièrement identifiable.
Elle reste la principale cause de décès chez l’enfant de moins de un an et malgré une nette amélioration des chiffres, notamment liée à la position de couchage (sur le dos), la MSN concerne encore 1 enfant sur 2000. De plus cette pathologie est encore assez mal comprise car elle est multifactorielle. On sait qu’elle est souvent associée à un défaut d’oxygénation, un manque de vigilance (en particulier du mécanisme d’éveil), une arythmie cardiaque mais la cause première et les mécanismes mis en jeu sont encore très mal connus.
Notons que ce syndrome, ne se produit à priori que chez l’homme et n’a jamais été observé chez l’animal.
La concomitance de plusieurs causes Il y a consensus sur le fait que la MSN est le résultat de la présence simultanée de trois facteurs : - certaines vulnérabilités sous-jacentes chez l’enfant (anomalies génétiques), - une période critique dans le développement de l’enfant, spécificité inhérente à l’espèce humaine, - un facteur extérieur induisant un stress.
En ce qui concerne le premier élément, des mutations génétiques impliquées dans la synthèse de la sérotonine (un neurotransmetteur impliqué dans la régulation de l’activité cardiopulmonaire, le sommeil et la régulation thermique) seraient en cause. D’autre part, certains récepteurs du cerveau identifiés comme impliqués dans la MSN sont des récepteurs à nicotine. Respirer de la fumée de cigarette (à tout moment de la journée) est suffisant pour inhiber l’activité électrique des neurones à sérotonine.
D’autres mutations génétiques, prédisposant un enfant à la MSN, ont été identifiées également. Il s’agit notamment de gènes critiques pour la formation de certains canaux cardiaques ou d’autres gènes associés à la défense contre les inflammations et à la thermorégulation.
C’est évidemment en essayant de supprimer le 3e élément, que la lutte contre la MSN pourra s’exercer de la part des parents.
Influence des facteurs environnementaux externes Plusieurs facteurs ont été identifiés, et certains éminemment documentés (études épidémiologiques). Il s’agit de la position du coucher sur le ventre et du tabagisme chez les parents (particulièrement impactant si les deux parents fument). L’enfant sera d’autant plus sensible à l’ensemble de ces facteurs qu’il sera de petit poids (notamment inférieur à 2 kgs). D’autres facteurs ont montré également une influence notable : le mode de nourrissage, le type de sommeil (seul ou avec sa mère), la température corporelle (attention aux trop plein de couvertures et gros pyjamas).
En ce qui concerne l’alimentation, Venneman et al. ont mené une étude épidémiologique (2009), reposant sur l’analyse de + de 300 cas de MSN. Ils affirment que les enfants nourris au lait artificiel présentent un risque doublé d’être touchés par la MSN. Ces résultats trouvent écho dans des résultats précédents. En 2011, la même équipe (réf Hauck et al.) réalisent une méta-analyse (comparaison des résultats de 18 études triées pour leur pertinence et leur rigueur) qui conclut à l’effet protecteur de l’allaitement maternel.
Néanmoins, d’autres études préalables avaient montré qu’après ajustement des variables confondantes, l’impact de l’allaitement maternel était trop peu significatif. C’est pourquoi certaines autorités médicales n’ont pas repris la recommandation de l’allaitement comme facteur protecteur de la MSN.
Venneman et al. vont alors plus loin et expliquent alors les mécanismes pouvant être impliqués dans l’aspect protecteur du lait maternel. Parmi les cas étudiés, ils ont noté bon nombre d’infections pulmonaires mineures chez les enfants décédés. Les cytokines qui causent l’inflammation en pareil cas (mise en place des défenses immunitaires) peuvent provoquer des dysfonctionnement cardiaques et des défauts de vigilance. Or si l’enfant est allaité, il reçoit alors des immunoglobulines qui aident à le protéger dans ces périodes de grande vulnérabilité que sont les inflammations même mineures.
Un autre mécanisme possible, est (on y revient) des éveils plus fréquents en cas d’allaitement. Or plusieurs études avaient révélé que les enfants qui s’éveillaient plus fréquemment dans la nuit, étaient moins concernés par la MSN (travaux de McKenna lien ICI).
Impact de l’allaitement avec sommeil partagé
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La plupart du temps, les mères qui choisissent l’allaitement maternel en arrivent (même si elles ne l’ont pas voulu au départ) à pratiquer le sommeil partagé au moins pour une partie de la nuit. Cela leur permet de mieux se reposer voire d’allaiter en dormant. Ces deux effets semblent se renforcer mutuellement, car plus une mère pratique le cododo, plus long sera son allaitement (les chiffres le prouvent). Certains décrivent cette forte interconnexion entre allaitement et sommeil partagé comme une co-évolution bénéfique pour l’homme.
Le revers de la médaille : les deux événements étant intimement liés, il est assez difficile d’y voir clair sur l’influence d’un facteur unique. Il faut donc réfléchir sur les deux aspects en même temps.
Plusieurs études prouvent bien un effet protecteur du sommeil partagé associé à l’allaitement comme prévention de la MSN. Les données croisées multi-culturelles montrent que les sociétés où le cododo et allaitement sont la norme ont des taux de MSN plus bas [réf Watanabe]. Certains objecteront qu’il s’agit d’un simple coïncidence mais des explications validées donnent du poids à la corrélation.
Les mécanismes permettant d’expliquer l’effet protecteur du sommeil partagé sur la prévalence de la MSN sont : - la synchronisation de la respiration sur celles des parents (moins de phénomènes d’apnée) - la modification des rythmes de sommeil de l’enfant (moins de sommeil profond ce qui permet une meilleure mise en alerte en cas d’apnée) - des parents plus attentifs aux signaux de détresse du bébé. - associé à l’allaitement, le sommeil partagé conduira forcément à la position dorsale du bébé, la tête à la hauteur des seins de sa mère (donc éloigné du flux expiratoire de celle-ci).
Pourquoi le sommeil partagé a t-il encore mauvaise presse ? Parce que certaines études, malgré tout ce que nous venons de dire, ont montré que l’incidence de la MSN était plus élevée chez les bébés qui dormaient avec leur mère, en cododo. Et que bon nombre d’associations voire médecins ne retiennent que celles-là (biais de confirmation) au lieu d’adopter une vue globalisée prenant en compte diverses approches.
Alors que penser ? comment trancher ?
Et bien, il faut regarder méticuleusement, comment ces études ont été menées, quels paramètres ont été pris en compte ? y a-t-il eu des biais dans l’approche qui a été réalisée ? (du genre deux paramètres non dissociés). Il s’avère que dans bien des cas où la conclusion corrélait cododo et MSN, d’autres facteurs n’ont pas été rigoureusement analysés, tels que : la nature de l’allaitement (maternel ou formulation), le type de lit (vrai lit ou canapé), de matelas, la présence d’oreillers, d’épaisses couvertures… voire la consommation de tabac, médicaments, alcools, de la mère. Une publication américaine est particulièrement significative [Blabey]. Les auteurs se sont intéressés au cas de MSN survenues en Alaska entre 1992 et 2004. 13% des décès se sont produits lors d’un sommeil partagé. Il s’est avéré que dans 99% de ces cas étaient associés à au moins un autre facteur de risque : tabagisme de la mère, ou problème de la mère.
L’approche évolutionniste et anthropologique est une voie importante dans la compréhension des mécanismes mis en jeu (rappelons que nous sommes le seul mammifère à connaître la MSN). Citons les travaux de l’anthropologue J. Mc Kenna (voir ICI) qui a passé beaucoup de temps à filmer des mères et leurs bébés, à étudier les comportements d’autres mammifères. Ces scientifiques aiment à rappeler que la mère qui dort proche de son bébé n’est que l’évolution naturelle de nos racines phylogénétiques à la fois comme primates et mammifères. Le nourrissage au biberon et l’enfant qui dort seul, ne sont la norme que dans les pays occidentaux, suite à une série de pratiques culturelles et de systèmes de croyances liés à nos modes de vie "industrialisés". Parce que la dyade mère allaitante/enfant est biologiquement programmée pour être proche l’un de l’autre, jour et nuit (comme le pratique encore environ les 2/3 de la population mondiale). Comment, sur cette base, cela pourrait-il remettre en cause la sécurité de l’enfant ? L’évolution nous aurait bien vite rattrapé en éliminant l’envie de le faire, la bonne adéquation allaitement/cododo d’un point de vue équilibre des deux parties (un mère qui allaite sans cododoter -parce ce qu’elle se l’interdit- est bien souvent très fatiguée, pour ne pas dire épuisée)…
Conclusion et précautions du sommeil partagé
L’allaitement avec sommeil partagé semble donc être un élément protecteur de la Mort Subite du Nourrisson. Mais ces conditions ne protègent pas de tout et certains précautions sont à rappeler. - Eviter le cododo en cas de tabagisme, de consommation de drogues et médicaments, de trop grande fatigue de la mère et également si l’allaitement maternel n’est pas associé (moindre vigilence de celle-ci, position mutuelle différente, moindres éveils de l’enfant [Ball]). - Si le cododo est choisi, éviter au maximum la présence d’éléments pouvant mettre en péril la régulation de température de l’enfant et sa respiration (présence d’oreiller et couettes, matelas trop mou, position ventrale).
En guise de complément et d’approfondissement du sommeil partagé, je vous conseille les petits ouvrages de Claude Didierjean-Jouveau qui traitent de ce sujet. Ils se lisent extrêmement facilement, et sont très riches en références de travaux scientifiques. Une belle idée cadeau pour de futurs parents par exemple !
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