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documentation emprunté à
www.lllfrance.org avec l'aimable autorisation de LLLFrance
Allaiter Aujourd'hui n°23 LLL France
Les douleurs de l'allaitement
Il ne s'agit pas ici de faire le catalogue exhaustif de toutes les causes possibles de douleurs pendant l'allaitement (douleurs de mamelons et douleurs de seins), de leur prévention et de leur traitement. Il y faudrait un livre entier. Ceux et celles qui souhaiteront approfondir le sujet, se reporteront à la bibliographie de chaque article.
Il s'agit simplement d'évoquer quelques situations qui sont responsables de la douleur dans l'immense majorité des cas, et qu'il est relativement facile de prévenir ou de corriger.
Il restera toujours un certain nombre de cas rebelles à toute explication et à toute prévention (certains des témoignages qui suivent en sont la preuve).
Mais l'on aura fait un grand pas en avant le jour où les douleurs d'allaitement seront dans neuf cas sur dix prévenues ou soulagées par les mesures simples dont nous allons parler.
La position, toujours la position
Il fut un temps - pas si lointain - où les gercures et crevasses des premiers jours d'allaitement, étaient considérées avec fatalisme. Si une femme avait des douleurs de mamelons, c'est qu'elle avait la "peau fragile", ou bien qu'elle n'avait pas bien "préparé" ses seins pendant la grossesse.
Et puis, vers la fin des années 70, plusieurs femmes, aux quatre coins du monde, firent chacune de leur côté les mêmes constatations. Il s'agissait de Kittie Frantz, alors animatrice LLL à Los Angeles, de Chloë Fisher, sage-femme à Oxford, et d'Elsa Wood, aide-soignante en Nouvelle-Zélande.
Mais laissons raconter Kittie Frantz.
"J'avais vraiment cru que si l'on préparait ses mamelons, tout se passait bien. Or, pour mes propres enfants, je l'ai fait et malgré cela, j'ai eu de terribles douleurs de mamelons. Je pensais que peut-être un soir, j'avais oublié la préparation, que je ne l'avais pas faite assez consciencieusement. Mais j'entendais bien d'autres femmes dire qu'elles n'avaient pas oublié une seule fois, et qu'elles avaient quand même eu mal. (...) Dans cette consultation, j'ai remarqué que les femmes qui avaient des mamelons douloureux ne tenaient pas leur bébé de la même façon que celles qui n'avaient pas mal. J'ai commencé à dire à celles qui avaient mal : 'Pourquoi n'essayez-vous pas de tenir votre sein comme ceci et le bébé comme cela ?', et elles disaient : 'Comme ça, je n'ai pas mal !'. J'étais assez emballée" (1).
Quand cette information commença à se diffuser grâce au réseau mondial de LLL, nous aussi fûmes emballées ! Nous sommes un certain nombre à nous souvenir avec émotion des premières femmes que nous avons aidées à corriger la position de leur bébé au sein, et du soulagement immédiat qui se lisait sur leur visage (2). C'était proprement miraculeux !
Bien sûr, depuis, il a fallu affiner. Toutes les femmes qui adoptaient une "mauvaise" position, n'avaient pas obligatoirement des problèmes. Et inversement, certaines femmes avaient des problèmes malgré ce qui semblait être une "bonne" position. Il n'y avait pas que la position du corps du bébé qui jouait, mais aussi celle de sa bouche, de ses lèvres, de sa langue.
Mais on tenait enfin une explication et un moyen de prévention/traitement valables dans d'innombrables cas, et croyez-moi, cela faisait une sacrée différence !
Quelques points indiquant une bonne position
La mère est confortablement installée. Elle ne ressent aucune tension musculaire. Elle ne se penche pas sur le bébé.
Le bébé est "estomac contre estomac". Son oreille, son épaule et sa hanche sont sur une ligne droite. La mère soutient son sein pouce au-dessus, autres doigts au-dessous, loin de l'aréole. Elle attend que son bébé ouvre grand la bouche pour le mettre au sein. Elle amène le bébé au sein d'un mouvement rapide du bras qui le soutient. Le bébé prend tout le mamelon et autant d'aréole qu'il peut en rentrer dans la bouche. Son nez et son menton touchent le sein pendant la tétée.
Les lèvres du bébé sont retroussées sans crispation. Sa langue est en gouttière sous le sein.
(1) LLLettre aux animatrices, LLL France, n°11, janvier 1989.
(2) Pour expliquer ce soulagement immédiat alors que la crevasse est toujours là, j'utilise souvent la comparaison des ampoules aux pieds. Si vous avez des chaussures neuves qui ont provoqué des ampoules, que vous les enleviez pour mettre d'autres chaussures qui n'appuient pas aux mêmes endroits, vos ampoules ne vous font plus mal bien qu'elles soient toujours là.
Pour une approche dermatologique des crevasses
Même si la plupart des problèmes de mamelons dans le post-partum sont dûs à une mauvaise position du bébé au sein et à des problèmes de succion, il n'en reste pas moins important de traiter les crevasses en accélérant leur cicatrisation.
Or qu'est-ce qu'une crevasse, sinon une fissure cutanée du genre de celles qu'on observe en cas de déshydratation de la couche cornée de l'épiderme (par exemple les gerçures des lèvres par grand froid).
Traiter une crevasse, ce sera donc à la fois proscrire tout ce qui pourrait aggraver la déshydratation (1), notamment le séchage au sèche-cheveux, et appliquer dessus un émollient qui soulagera la douleur et créera une barrière cutanée réduisant l'évaporation et maintenant une hydratation adéquate.
La lanoline médicale anhydre (2) semble être un bon produit pour ce faire. Elle n'a plus les inconvénients qui avaient fait délaisser la lanoline dans les années 80 (importants résidus de pesticides et alcool lanoléinique libre responsable de réactions allergiques). Elle forme ce film protecteur qui ralentit l'évaporation cutanée et sous lequel la crevasse va cicatriser sans croûte et guérir plus facilement.
(1) Il faut faire la différence entre humidité de l'épiderme (à éviter) et hydratation cutanée (à protéger).
(2) Elle existe sous la marque Lansinoh qui, avant d'être bientôt commercialisée dans les pharmacies françaises (c'est déjà fait en Suisse), est disponible auprès du Centre de documentation de LLL France (50 F franco le pot).
à lire
"Pour une approche dermatologique des crevasses", LLLettre des associés médicaux, n° 16, p. 19.
"Moist wound healing for cracked nipples in the breastfeeding mother", Susan C. Huml, IBCLC, Leaven, jan.-feb. 1994.
Et si c'était du muguet ?
Lorsque les douleurs de mamelons se prolongent au-delà de quelques jours alors que manifestement le bébé tète correctement, il faut envisager la possibilité qu'elles soient dues à une candidose (infection à candida albicans), familièrement appelée "muguet" car elle provoque souvent (mais pas toujours) chez le bébé l'apparition de taches blanches à l'intérieur de sa bouche.
Cette infection (qui s'accompagne souvent d'une mycose vaginale chez la mère ou fait suite à la prise d'antibiotiques) peut rendre les mamelons rose vif, "croûteux", provoquer des crevasses, une sensation de brûlure / irritation / déman-geaison.
Dans la mesure où le champignon "remonte" le long des canaux lactifères, on peut éprouver des douleurs lancinantes, en rayons de roues, comme un "feu liquide" à l'intérieur des seins, aussi bien pendant qu'entre les tétées. Contrairement à toute logique, il arrive qu'un seul sein soit atteint.
En présence d'un de ces symptômes, il est judicieux de traiter la mère et le bébé de façon simultanée (même si l'un des deux ne présente aucun symptôme) avec un antifongique.
Il n'y a bien sûr aucune raison d'arrêter l'allaitement, et le soulagement survient en un ou deux jours.
à lire
LLLettre des associés médicaux, n° 1, n° 7, et n° 11.
Breastfeeding Answer Book, LLL, p. 172.
Que penser des bouts de sein ?
Lorsque les bouts de sein en silicone sont arrivés sur le marché, ils représentaient un réel progrès par rapport aux "vieux" modèles, et ils sont apparus à beaucoup (professionnels de santé travaillant en maternité, mais aussi certains groupes d'allaitement qui ont largement contribué à les diffuser) comme le remède miracle aux douleurs de mamelons.
Il était tellement plus facile et rapide de proposer à la mère un "gadget" (sans avoir à se préoccuper du devenir de l'allaitement, puisqu'après sa sortie de la maternité, on n'entendait plus parler d'elle) que de se former à reconna"tre une bonne et une mauvaise position du bébé au sein, et de prendre ensuite le temps d'aider chaque femme lors des premières mises au sein.
Très vite, les animatrices LLL ont rencontré des femmes chez qui les bouts de sein avaient eu des conséquences catastrophiques sur l'allaitement : leur bébé, habitué depuis la naissance aux bouts de sein, refusait de téter le sein "nu", son poids stagnait, etc.
Les bouts de sein interfèrent en effet avec l'allaitement de plusieurs manières.
D'une part, la bouche du bébé n'étant pas en contact direct avec l'aréole, les terminaisons nerveuses de celle-ci sont mal stimulées, le message envoyé au cerveau plus faible, et par conséquent la quantité de lait produite en baisse (selon une étude anglaise, le "manque à gagner" représente de 20 à 60% selon les modèles de bouts de sein).
D'autre part, le bout de sein induit chez le bébé une succion très différente de la succion au sein. Les mouvements de la langue sont différents. Si l'enfant essaie de téter le sein comme il tète le bout de sein artificiel, il repousse le mamelon au lieu de l'enfoncer profondément dans sa bouche, entra"nant douleurs pour la mère, et pour lui incapacité à "traire" le sein, et donc frustration.
Il y a des cas où les bouts de sein peuvent être une aide ponctuelle. Mais alors, la personne qui les "prescrit", devrait bien informer la mère de leurs dangers et de la nécessité de s'en débarasser le plus vite possible, et si possible être là pour l'aider à le faire !
Les douleurs de seins
Le problème des douleurs de seins est encore plus vaste que celui des douleurs de mamelons.
En effet, pratiquement tous les "incidents de parcours" de l'allaitement (quel que soit le stade où il en est) et toutes les affections (graves ou bénignes) des seins, peuvent s'accompagner de douleurs plus ou moins importantes.
Engorgement, réflexe d'éjection trop fort ou au contraire inhibé, douleurs musculaires dues à l'accouchement ou à une mauvaise posture pendant les tétées (la mère penchée sur son bébé), mastite due à un canal lactifère bouché ou à une infection, abcès du sein, spasme du canal lactifère, mycose (voir ci-dessus), mauvaise utilisation d'un tire-lait, adhérences dues à des cicatrices de chirurgie mammaire ou autres, traumatisme à un sein (dû par exemple à un soutien-gorge trop petit ou mal adapté), syndrôme pré-menstruel, poids d'une poitrine très volumineuse, mastose sclérokystique (kystes ou "boules" dans les seins), cancer du sein, etc. Comme on le voit, la liste est longue.
Disons néanmoins que la plupart des cas se résolvent facilement une fois que la cause a été détectée, et que la cause la plus répandue, la mastite aigue ou lymphangite, se soigne en général très facilement par le trio de mesures suivantes : tétées fréquentes, repos, applications froides ou chaudes (en fonction du soulagement ressenti).
Si ces mesures simples n'ont pas amené de guérison ou de nette amélioration dans les 24 heures, il sera utile de consulter un médecin. Si possible un médecin compétent en matière d'allaitement, qui sache donc faire un diagnostic (chez combien de femmes a-t-on diagnostiqué un "abcès du sein" qui n'était qu'un simple engorgement localisé...) et proposer un traitement autre que... l'arrêt brutal de l'allaitement !
à lire
L'Art de l'allaitement maternel, LLL, pp. 245-46.
Problèmes de succion et d'allaitement : panorama des solutions, LLL, p. 17.
"La mastite aiguë ou lymphangite", F. Railhet et L. Marchand-Lucas, LLLettre des associés médicaux, n° 11.
"Les petits tracas de l'allaitement", F. Railhet, Allaiter aujourd'hui, n° 17, p. 12.
Seins douloureux, feuillet LLL n° 29.
Breastfeeding Answer Book, LLL, p. 131.
Bibliographie :
Traité de l'allaitement maternel, N. Mohrbacher, J. Stock, LLLI.
Les Dossiers de l'allaitement n° 28, juillet 1996, pages 17 - 21
Les Dossiers de l'allaitement n° 24, juillet 1995, page 23
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