Bonjour Thomas,
Ce jour est un jour de fête dans notre famille, mais mon coeur est lourd...
Ta petite soeur Noémie fête ses 2 ans aujourd'hui, et je repense à ce jour...
Cette nuit et ce jour que j'ai vécu il y a 2 années déjà...
Cela a été des instants inoubliables mais aussi des moments très difficiles pour moi...
Entre panique, peur, angoisse, délire, fatigue, cauchemard et douleur, Noémie s'apprêtait à naître mais mon corps et mon esprit n'étaient pas prêts à cela !
Je savais qu'elle était vivante dans mon ventre mais en dehors, j'avais peur qu'elle meurt...
Je me revois dans un instant de délire et apeurée (après avoir eu une injection d'antalgique morphinique et un cauchemard qui n'était pas des moindres), me lever subitement de mon lit d'hôpital en salle de naissance et dire "je m'en vais : je n'ai rien à fair là ! Je prends ma valise et je retourne chez moi voir mes trois enfants!".
Et je revois mon mari et la sage-femme me rattrapaient et essaiyaient de me convaincre de rester car Noémie arrivait et c'était pour maintenant !
"Non, non, non ! Thomas est mort alors moi, je veux partir !"... La sage-femme ne s'attendait pas à cela et à ses paroles...
Et c'est là, que j'ai dit tout ce que j'avais sur le coeur et déverssé toutes les larmes de mon corps...
Tout à propos de ta mort...
Tout à propos de mon vécu lorsque je te portais dans mon ventre mort alors que ton frère Vincent grandissait vivant à côté de ton corps meurtri...
Tout à propos de ta naissance mort-né...
Mon envie de mourir lorsque l'obstétricien qui m'a césarisée, a ôté ton corps de mon ventre, ton tombeau utérin...
Ma joie de voir Vincent vivant dans son lit incubateur et ma souffrance de ne plus t'avoir avec moi, que l'on m'avait encore arraché à moi...
Il était hors de question de revrivre cela !...
Hors de question de perdre à nouveau un enfant à naître !
Noémie, je ne l'avais pas investie de toute la grossesse pour me protéger car j'avais peur...
Mais la sage-femme qui était là à mon chevet, a su trouvé les mots au moment où il fallait...
J'étais devant le fait accompli : Noémie souhaitait naître et il a fallu décloissonner encore une fois, tous mes sentiments et émotions ambivalentes et contradictoires !
Il me fallait oublié tout ce qui était en rapport à toi Thomas, le bleu... Il me fallait du rose !
Il me fallait quelquechose qui me rapporte à Noémie : du rose !
Mon mari me donna son bonnet de naissance rose et je m'y suis accroché jusqu'à sa naissance : je l'ai serré fort dans ma main à chaque contraction douloureuse...
J'ai demandé à mon mari de me dire et répéter à chaque contraction douloureuse, que je n'étais pas là pour rien, je ne souffrais pas pour rien, que c'était pour Noémie, que c'était pour notre fille vivante et en bonne santé...
Bien sûr, j'ai eu d'autres accés de panique mais la sage-femme trouvait d'autres mots réconfortants et mon angoisse s'atténuait...
Et puis l'heure de la pose de la péridurale arriva enfin !
1h30-2h de plénitude où je crois j'ai dormi de 8 h à 10h, où soudain les douleurs me rattrapent et la peur de la perdre me reprend !
Noémie pousse et c'est plus fort que moi, je subis la poussée au lieu de l'utiliser pour atténuer au plus vite ma douleur, en poussant également !
Elle est déjà là ! Pas le temps, de m'installer sur le côté gauche : j'accoucherai sur le côté droit face à face avec mon mari et le bonnet de Noémie dans ma main !
Je la sens descendre dans mon col : çà fait trop mal !
Je me décide à enfin pousser pendant la contraction car il faut aider Noémie à sortir de son cocon utérin et la douleur est trop forte pour supporter çà longtemps !
Entre 3 contractions, je sens deux fois reculer Noémie dans mon vagin et il est hors de question que tout l'effort que je donne pour qu'elle sorte sa tête, soit en vain !
Noémie ne reculera pas une troisième fois !
Alors pour la contraction suivante, j'ai tout donné et comme un bouchon de champagne, sa tête est sortie !
Mais soudain on me crie "STOP ! Ne poussez plus ! Attendez ! Attendez !".
Mon angoisse et ma peur de vivre le pire me reprend...
Qu'est-ce qu'il se passe

Qu'est-ce qu'elle a

J'ai très mal ! "Sortez là ! Sortez là ! J'ai mal, j'ai mal !"
"Attendez encore un peu ... Poussez un peu... Doucement...Attrapez-là, là voilà !"
"C'est Noémie ! C'est Noémie ! c'est Noémie...!"... On me la posse sur mon ventre...
Et je me le répéte sans cesse "c'est Noémie!"
Et je dis : "Elle a crié ? Je ne l'ai pas entendu crié ! Elle est bleue..."
Les secondes passent et je ne l'ai pas entendu crié... J'ai peur....
La sage-femme me la prend dans son drap et en allant en salle de naissance, c'est enfin mon soulagement : Noémie poussa un grand cri fort et distinct !
Mon calvaire est fini... "C'est Noémie ! C'est Noémie ! C'est ma fille..." et je me répète cela jusqu'à la revoir dans les bras de mon mari... Noémie a mis du temps pour crier car il y avait autour de son cou deux tours de cordon ombilical lorqu'elle a sorti sa tête : il lui fallait un peu de temps pour réagir à sa naissance éprouvante pour elle aussi !...
De longues minutes d'attente avant de la revoir dans les bras de mon mari toute rose, toute joufflue, toute ronde, toute brune avec des grands yeux noirs : tout le contraire de Thomas ! Aucun risque d'amalgamme ! Aucun signe physique qui fait rappeler Thomas ! Noémie ne remplacera pas Thomas !
Elle est là et nous l'aimerons rien que pour elle ! C'est une grande chance de l'avoir ! C'est un cadeau de la vie ! C'est un cadeau d'amour !
Depuis ce jour, j'ai investie Noémie et l'ai acceuillie dans ma vie.
Depuis ce jour, je la chéris et je bénis le ciel de m'avoir donné cette joie de connaître de nouveau ce bonheur d'avoir un bébé en bonne santé et de m'avoir permis de me réconcilier avec mon corps.
Mon corps n'est pas bon à rien ; mon utérus n'est plus un tombeau mais il peut être un nid douillet pour un beau bébé plein de vie!
Aujourd'hui, je suis une maman comblée et mon temps de maternité est rempli : j'ai fait mon deuil de maternité en terminant sur une bel évènement et je suis très heureuse...
MAIS, ceci n'enlève pas ma douleur de ne pas t'avoir dans mes bras mon Thomas...
Ce début février 2012 a été difficile... Un pélerinage de souvenirs qui me remontent ma colère et ma culpabilité de n'avoir pas agit différemment : et si j'avais su, est-ce que cela aurait changé quelquechose ? et si j'avais agit différemment, est-ce que tu serais là auprès de tes frères et soeurs ?
Le 13 février 2008, nous apprenions le diagnostic de STT sur toi et Vincent : une journée noire qui tua notre joie de vivre une grossesse et une aventure hors du commun.
Le 13 février 2008 signa le départ d'une descente aux enfers pour plusieurs semaines jusqu'à la naissance miraculeuse de ton frère Vincent, le 5 juin 2008.
Sa naissance et la naissance de Noémie ont relevé notre moral vers le haut mais depuis ce 13 février 2008, nous ne sommes plus comme avant....
Une souffrance pareille ne s'efface pas ; la cicatrice est indélébile...
Pélerinage de souvenirs que j'aimerai passer outre, mais c'est difficile...
C'est impossible de ne pas pas y penser, impossible de faire comme si cela ne c'était pas passé : oublier, ce serait effacer ton existence, nier que tu as vécu dans mon ventre et que tu as laissé ton empreinte et ton passage dans nos vies.
Je ne peux pas faire cela, je t'aime trop !
Alors ce pélerinage de souvenirs, est un passage annuel obligatoire !
Chaque année différent ; chaque année vécu avec autrement...
Cette année ce sera "pourquoi je n'ai pas réagit avant

Je m'en veux ! Je suis coupable d'avoir fait confiance à des professionnels incompétents et par ignorance, je suis coupable de ne pas avoir écouté mon corps !".
Ne m'en veux pas Thomas de penser cela !
Il me faut un coupable, je cherche un coupable !
Je sais que la nature y est pour beaucoup de choses dans le STT et dans ta mort mais il y a beaucoup de jumeaux monozygotes qui naissent en vie, et je suis en colère que toi, tu ne sois pas en vie !
Vendredi dernier, à la crèche, pourquoi la vie m'inflige cette douleur de rencontrer deux paires de jumeaux monozygotes avec leur mère
POURQUOI MOI, JE N'AI PAS MES JUMEAUX

Mon deuil de maternité est fait : je n'aurai plus d'enfants ! Je suis comblée avec tes frères et soeurs...
Mais mon deuil de toi Thomas et mon deuil de parents de jumeaux ne seront jamais terminés : je m'en rends compte aujourd'hui ! Vincent me rappelle trop ton visage absent...
C'est un fardeau que je dois porter tous les jours et je me dois d'apprendre à vivre avec pour continuer à vivre heureuse avec papa et tes frères et soeurs.
Alors, je me persuade que ta mort à un sens ; il y a une raison à tout çà !
Plus les années passent, plus je me rends compte que tu es absent physiquement mais tellement présent psychologiquement.
Il y a des coïncidences frappantes et des évènements hallucinants qui font que je ne peux que croire que tu es là avec nous...
Mais mon manque de te voir, de te toucher et de te sentir est tellement lourd à porter...
Mon coeur est lourd...
Cela m'apaise de t'écrire...
Je me suis vidée...
Et ta petite soeur, si belle et si jolie, me tend les bras...
Aujourd'hui, elle fête ses 2 ans et il faut que j'aille préparer sa fête d'anniversaire avec sa marraine ce soir !
Alors délestée de mes pensées nostalgiques, je vais me préparer à vivre des moments joyeux en famille et auprès d'amis proches.
Je t'aime mon Thomas !
Vincent me dit tous les jours et plusieurs fois par jour "je t'aime maman"!
Parfois, je me dis qu'il me le dit autant parce que tu me le dis aussi à travers lui : c'est bizarre de penser cela pas vrai ?
A bientôt mon bébé d'amour qui nous protège du haut de ton étoile si étincellante !