une étude sur la fatigue :
[6] Wambach KA, Maternal fatigue in breastfeeding primiparae during the first nine weeks postpartum, Journal of Human Lactation 1998 ; 14(3) : 219-29. :
Une étude de 1998 [6] s'est justement intéressée à la fatigue chez des mères primipares pendant les neuf premières semaines du post-partum.
Le niveau de fatigue était modéré juste après la naissance, il culminait à 3 semaines, puis diminuait ensuite nettement entre 3 et 6 semaines.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il n'existait de ce point de vue aucune différence entre les mères qui avaient entre temps arrêté d'allaiter et celles qui allaitaient toujours.
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et sinon, un extrait du dernier bouquin de C-S Didierjean-Jouveau :
L'allaitement, ça fatigue
Extrait de "Les 10 plus gros mensonges sur... L'allaitement"
Quand on allaite son bébé, et surtout si on le fait au-delà des premières semaines, il est sûr qu'on va entendre à un moment ou à un autre : « Ma pauvre, quel courage, tu dois être fatiguée? ». Ou bien : « Tu n'es pas fatiguée ? ». Ou encore : « Moi, j'ai arrêté d'allaiter rapidement, j'étais trop fatiguée. »
Et pour peu qu'on se plaigne effectivement d'être fatiguée, la solution fusera immédiatement : « Et bien, arrête donc d'allaiter ! » [1] .
Alors, est-il vrai qu'allaiter fatigue ?
Fatiguée à cause de l'allaitement ou malgré l'allaitement ?
On ne peut nier que les premières semaines avec un nouveau-né sont éprouvantes physiquement et nerveusement. Rien dans notre vie antérieure ne nous a préparées à être responsable 24 h / 24 d'un être qui dépend entièrement de nous pour sa survie et son bien-être. Répondre aux besoins d'un nouveau-né, cela prend beaucoup d'énergie.
Dans notre société, cette fatigue est encore accentuée par deux phénomènes.
Le fait d'une part que, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des sociétés traditionnelles, où la jeune accouchée ne fait rien d'autre pendant tout un temps (souvent quarante jours) que s'occuper de son bébé, nous sommes censées, dès la sortie de maternité, reprendre nos activités (ménage, courses, cuisine?) comme si de rien n'était. Nous voulons trop en faire, nous ne supportons pas que la maison ne soit pas propre et rangée (ou on nous fait sentir qu'elle devrait l'être, si ce n'est pas le cas?) [2] .
L'autre source de fatigue supplémentaire, c'est bien sûr le manque de sommeil dû aux réveils nocturnes du nouveau-né. Chez nous, même si les mentalités sont doucement en train de changer, il est encore très mal vu que la mère fasse dormir son bébé avec elle. C'est pourtant la seule façon, adoptée par les trois-quarts de l'humanité, de ne pas souffrir de ces réveils nocturnes [3] .
Cette fatigue est surtout importante les premières semaines. Or, le plus fréquemment, l'allaitement en France ne se prolonge pas au-delà de ces premières semaines. Ce qui fait que la période d'allaitement coïncide avec la période de plus grande fatigue, et que l'on peut croire en conséquence que c'est l'allaitement qui en était la cause.
Fatigue ou détente ?
On peut d'autant plus le croire que l'allaitement provoque chez la mère un état de détente, de douce somnolence, qu'on peut confondre avec de la fatigue. Alors que c'est tout le contraire : une séance gratuite de relaxation !
En effet, l'ocytocine, une des deux principales hormones impliquées dans la lactation (produite également pendant l'orgasme, lors d'un massage corporel, d'un bon repas entre amis, etc.) a une action sur la physiologie tout à fait remarquable : elle provoque un état de « relâchement physiologique » caractérisée par le ralentissement du rythme cardiaque et de la respiration, la baisse de la tension artérielle, et même une action antalgique [4] .
La hausse du taux de prolactine serait quant à elle responsable de l'augmentation du temps de sommeil profond constatée chez les femmes allaitantes par une étude faite en 2002 [5] , qui a comparé des femmes allaitant exclusivement, des femmes nourrissant leur bébé au lait industriel, et des femmes non enceintes et non allaitantes constituant le groupe témoin. Alors que le temps total de sommeil et la durée du sommeil paradoxal étaient proches dans les trois groupes, le temps de sommeil profond ? qui est le plus réparateur ? était plus élevé chez les femmes allaitantes (182 minutes) que chez les femmes non enceintes et non allaitantes (86 minutes) et que chez celles donnant le biberon (63 minutes).
Contrairement aux clichés répandus chez nous, les femmes qui allaitent dorment donc mieux que celles qui n'allaitent pas !
Arrêter l'allaitement pour être moins fatiguée, est-ce que ça marche ?
D'ailleurs, s'il était vrai que l'allaitement fatigue, son arrêt devrait logiquement diminuer cette fatigue.
Une étude de 1998 [6] s'est justement intéressée à la fatigue chez des mères primipares pendant les neuf premières semaines du post-partum.
Le niveau de fatigue était modéré juste après la naissance, il culminait à 3 semaines, puis diminuait ensuite nettement entre 3 et 6 semaines.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il n'existait de ce point de vue aucune différence entre les mères qui avaient entre temps arrêté d'allaiter et celles qui allaitaient toujours.
Un meilleur état de santé et moins de stress
En fait, sans qu'on sache encore bien quelles sont les explications (facteurs hormonaux, psychologiques ou autres), les femmes allaitantes semblent bénéficier d'un état de santé supérieur à la moyenne.
Dans une étude parue en 2000 [7] , 168 mères en cours d'allaitement et 65 mères ayant sevré leur enfant ont été interrogées, entre 4 et 208 semaines post-partum, sur le plan des maladies dont elles avaient éventuellement souffert pendant leur allaitement.
On a observé une moindre fréquence de consultations pour fièvre ou pour maladie, et un niveau de stress plus bas. Plus la durée de l'allaitement était longue, moins la femme avait présenté de maladies pendant la durée de l'allaitement, et plus son niveau de stress avait été bas pendant cette période. L'allaitement était corrélé à un meilleur état de santé pendant toute sa durée, ainsi que pendant les mois qui suivaient le sevrage.
La même équipe a refait l'étude deux ans plus tard [8] , avec une plus grande population (561 mères en cours d'allaitement et 452 mères ayant allaité dans le passé) et les mêmes résultats : niveau plus bas de stress, taux plus faible de pathologies respiratoires hautes, moins de consultations pour un problème psychologique.
Une autre étude, faite en 1995 par des médecins de l'Institut national de santé mentale américain, a montré que les mères qui allaitent produisent moins d'hormones de stress que celles qui n'allaitent pas [9] .
Une meilleure gestion du stress
Et quand stress il y a, elles y réagissent mieux.
Une recherche du Centre de recherche de l'hôpital Douglas (Montréal, Canada) a révélé que les mères qui allaitent réagissent moins vivement aux situations stressantes que celles qui donnent le biberon, et auraient en conséquence une meilleure capacité à s'occuper de leurs enfants [10] .
Claire-Dominique Walker et son équipe, notamment Sonia J. Lupien, directrice du Centre d'études sur le stress humain, ont étudié les réponses au stress de 25 mères allaitantes et de 25 autres donnant le biberon. Les mères ont été exposées à divers types de situations stressantes, allant de situations à charge émotive ou pertinentes, comme le visionnage d'une vidéo sur des enfants blessés ou perdus, à des situations non menaçantes ou non pertinentes, comme une conférence en public ou un problème de mathématiques. Le stress était établi d'après la mesure des taux de cortisol (une hormone du stress) dans la salive.
Les résultats indiquent que les mères qui allaitent présentent des taux inférieurs de cortisol dans les situations stressantes à charge émotive mais non menaçantes, ainsi qu'en réponse à un agent stressant pertinent, et ce d'autant plus si elles ont déjà l'expérience de l'allaitement (si elles sont mères de plusieurs enfants).
Pour Mai Tu, l'une des chercheuses, « la différence observée dans les réactions aux agents stressants pertinents et non pertinents [?] signifie que les mères qui ont l'expérience de l'allaitement filtrent l'agent stressant important parmi les agents stressants insignifiants et que les mères qui donnent le biberon seraient moins en mesure de le faire. Nos conclusions indiquent que certaines mères donnant le biberon réagissent plus fortement au stress, ce qui peut nuire au soin optimal du nourrisson ».
Cela pourrait également avoir des conséquences en matière de dépression du post-partum, dans la mesure où le stress est un facteur de risque dans cette affection.
Claude Didierjean-Jouveau
"Les 10 plus gros mensonges sur... L'allaitement" , Dangles Ed., 2006
[1] Au risque de passer à côté d'une maladie causant cette fatigue : hypothyroïdie, anémie? Je me souviens d'une mère qui se plaignait d'une fatigue anormale depuis son accouchement et à qui son médecin ne savait que dire qu'elle n'avait qu'à arrêter d'allaiter. Jusqu'au jour, plus d'un an plus tard, où un médecin remplaçant a décidé d'en avoir le c?ur net, a prescrit des analyses de sang, pour découvrir qu'elle était gravement anémiée?
[2] Voir l'ouvrage de Violaine Guéritault, La fatigue physique et émotionnelle des mères. Le burn-out maternel (Odile Jacob, 2004).
[3] Voir mon ouvrage Partager le sommeil de son enfant (Jouvence, 2005).
[4] Des expériences sur des animaux de laboratoire ont même montré que l'ocytocine améliorait les capacités d'apprentissage (Katherine Ellison, The Mommy Brain : How Motherhood Makes Us Smarter , Basic Books, 2005).
[5] Blyton DM, Sullivan CE, Edwards N, Lactation is associated with an increase in slow-wave sleep in women, J Sleep Res 2002 ; 11(4) : 297-303.
[6] Wambach KA, Maternal fatigue in breastfeeding primiparae during the first nine weeks postpartum, Journal of Human Lactation 1998 ; 14(3) : 219-29.
[7] Mezzacappa ES, Guethlein W, Vaz N, Bagiella E, A preliminary study of breast-feeding and maternal symptomatology, Ann Behav Med 2000 ; 22(1) : 71-79.
[8] Mezzacappa ES, Guethlein W, Katkin ES, Breast-feeding and maternal health in online mothers, Ann Behav Med 2002 ; 24(4) : 299-309.
[9] Altemus M et al, Suppression of hypothalmic-pituitary-adrenal axis responses to stress in lactating women, Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism 1995 ; 80(9) : 2954-59. Voir également une étude plus récente : Groër MW, Differences between exclusive breastfeeders, formula-feeders, and controls : a study of stress, mood, and endocrine variables, Biol Res Nurs 2005 ; 7(2) : 106-117.
[10] Voir sur le site du Centre :
http://www.douglasrecherche.pc.ca___________
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