vi vi je sais... mais pour la vider, faudrait déjà que j'arrête d'apprendre que j'ai encore du linge à mettre dedans
La métaphore est jolie, même si les circonstances de le sont certainement pas
Je ne suis pas passée depuis quelques jours, et j'ai un peu perdu le fil de ma pensée.
La dernière fois, je ne voulais pas raconter ma vie, mais après tout pourquoi pas ? Ca risque d'être un peu long, je m'en excuse, mais il faut que je dépose tout cela quelque part. Que ça soit lu, et partagé. Non pas pour attirer la pitié, non, certainement pas. Peut-être pour mettre cette boule de douleur à l'extérieur de moi, la noyer sur la toile de l'internet, la faire partir loin, pour qu'elle revienne un peu atténuée peut-être. A vrai dire, je ne sais pas pourquoi, mais je vais le faire quand même.
Quand je suis tombée enceinte, ça a été comme une bulle d'oxygène pour moi : mon petit monde tournait autour de mon ventre qui allait bientôt s'arrondir, mes parents étaient ravis : un premier petit enfant à venir !!! Bonheur rapidement doublé lors de la première écho : des jujux !!! !!!
Deuxième écho, un mois plus tard, mon ventre commence à peine à se voir. Le choc.
Syndrome Transfuseur Transfusé à 17sa ... Le gygy donne 3 semaines maximum d'espérance de vie aux loulous si on n'opère pas. Nos vies se sont mises "en pause" : Je ne sentais pas les bébés bouger, je les avais vu trois fois à l'écho... Le choix de l'opération s'est imposé de lui même, malgré les risques de FC, c'était le seul espoir pour sauver les bébés.
Tout s'est bien passé, mais j'ai mis longtemps avant de réinvestir ma grossesse. Je n'arrivais pas à me projeter dans l'avenir : j'ai rêvé de mes bébés une seule fois, quelques semaines avant la naissance. Les prénoms ont été choisis trois jours avant la naissance. La chambre n'est toujours pas finie, alors qu'ils vont avoir 3 mois ...
Puis ils sont enfin arrivés à 7 mois et demi de grossesse. Ils ont passé trois semaines en néonat' : j'avais l'impression d'être une maman à mi temps. Tant que j'étais avec eux, je me sentais bien, maman, mais quand je les quittais, quelque chose me manquait, comme si une partie de moi restait à l'hôpital.
Une fois qu'ils sont sortis, mes parents sont venus deux fois à la maison. Et c'est seulement que la deuxième fois que mon père était lucide et qu'il m'a dit combien il était heureux de me savoir maman et de rencontrer ses "p'tits fistoux". Il les avait déjà vu la fois précédente, mais il n'était pas bien et n'avait pas intégré le fait que ces bébés, c'étaient mes enfants, ses petits fils à lui.
Quand ils sont partis, en me disant au revoir, je ne sais plus ce que je lui ai dit mais je me souviendrai toujours de sa réponse : "je suis très fatigué, tu sais."
Dix jours plus tard, c'était la date du terme prévu pour les loulous. Tout le monde m'avait dit, tu verras, les bébés vont se "réveiller", ils vont changer à partir de cette date-là.
Le lendemain, mon père a fait un arrêt cardiaque.
Après massage cardiaque, les pompiers du samu ont réussi à faire repartir le coeur mais il est resté inconscient. Il a été admis en réanimation à l'hôpital.
Nous avons rencontré le médecin et le neurologue qui le suivaient, ils nous ont dit qu'il y avait peu d'espoir de le voir reprendre connaissance : le coeur s'est arrêté trop longtemps, les dommages cérébraux trop importants. Quand je l'ai vu, il respirait avec grande difficulté, son coeur battait de façon irrégulière, il ouvrait les yeux par moments mais ne réagissait à aucun stimulus.
Au bout d'une semaine, il n'avait toujours pas repris connaissance, les résultats des examens n'étaient pas bons. Les médecins nous ont demandé de venir avant qu'ils ne le "débranchent", ils nous ont expliqués qu'il était épuisé et tout allait bientôt s'arrêter.
J'ai donc fait mes adieux à mon père ce jour-là. Ca a été un moment très difficile : je savais que je ne le reverrais pas vivant, mais il n'était pas mort non plus : il respirait, son coeur battait, il avait l'air de dormir, tout simplement.
Nous avons attendu le coup de téléphone nous annonçant son décès pendant des heures interminables. Puis nous avons appelé l'hôpital. Ils nous ont alors annoncé qu'une fois qu'ils l'ont extubé, il s'est remis à respirer seul, sans assistance.
Cela fait un mois maintenant.
Mon père est toujours dans le coma, les médecins n'ont aucun espoir de le voir revenir à lui (aucune réaction, éléctro mauvais, ...), mais toutes ses fonctions vitales fonctionnent normalement ou presque.
Je n'ai pas eu le courage de retourner le voir. J'ai tellement peur de le revoir "dormir" et de croire, d'espérer qu'il se réveille... On a tous entendu parler de ces gens qui sont sortis d'un coma profond et qui disent qu'ils étaient conscients de ce qui se passait autour d'eux, mais incapables de le faire savoir au monde extérieur.
Cela fait un mois que j'attends le coup de téléphone de l'hôpital pour me dire que tout est fini. Je l'avoue, je souhaite de tout coeur que tout s'arrête.
Comment puis-je prétendre aimer mon père et souhaiter sa mort ?
Je n'en peux plus d'attendre. Je pense à ma mère et au calvaire qu'elle a vécu à cause de la maladie de mon père au cours des dernières années où elle s'est occupée de lui 24h/24. Le décès de mon père serait un soulagement : pour lui qui s'est battu pendant si longtemps contre la maladie, qui n'était même plus l'ombre de lui même, et qui, pire que tout, était trop souvent conscient de son état et de ce qu'il faisait endurer à son entourage lors de ses crises. Soulagement pour nous aussi, de le savoir parti, de savoir qu'il ne souffre plus...
Je n'arrête pas de me dire qu'il s'était fixé comme objectif de tenir jusqu'à l'arrivée des loulous. Et qu'ensuite, il s'est laissé partir. Il me l'a dit : "je suis très fatigué". Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire à ce moment-là : pressentait-il quelque chose ?
Le pire, c'est de ne pas savoir ce qui se passe en lui : est-ce qu'il souffre ? Les médecins pensent que non, mais ne peuvent pas l'affirmer à 100%. Pourquoi la "machine" ne veut-elle pas s'arrêter alors que l'esprit est déjà parti ? Qu'est-ce qui le retient ici, dans ce monde où il a tant souffert ? qu'est-ce qui l'a "attiré" dans l'autre monde ? Pourquoi s'est-il arrêté en chemin ? Quand va-t-il trouver le repos pour de bon ? Où est son âme ? A-t-il mérité tout cela ?
C'est un peu long, désolée.