Mon humeur du jour est exécrable...
J'ai besoin de déverser mon amertume...
Alors je vous livre tel quel le courrier que j'ai ecrit aujourd'hui à l'instit de mes enfants...
Une réaction à ce que j'ai vécu ce matin...
J'attends vos commentaires, ça me soulagera peut-être...
« Je vous ai remplacé. »
« Je vous ai remplacé. »
La formule résonne encore dans ma tête?
Se faire à l?idée que, oui, finalement, on n?est guère plus qu?un pion sur le grand échiquier de l?éducation nationale.
Un pion, on ne lui parle pas, on ne lui dit pas bonjour, on lui demande encore moins son avis, on ne se soucie pas de savoir si on lui brise le c?ur, on le remplace. C?est tout. Fermez le banc.
Pardon ?
« Je vous ai remplacé. »
Et là, le vide, la chute?
Depuis trois ans, mes enfants sont entrés à l?école. Ou plutôt, dans cette école, l?école Guilgot, une petite école sympathique, avec peu d?élèves, bref une école à taille humaine, propice aux échanges, à la discussion, une école qui donne envie d?apporter sa contribution parce que, quelque part, on se dit que les parents ont aussi un rôle à jouer. On y croit, on ne veut pas entrer et sortir de l?école de ses enfants comme s?il s?agissait d?une vague boutique, on s?intéresse, à sa façon, on essaie d?apporter son aide et son soutien?
Moi j?ai choisi d?accompagner les enfants, autant que possible, lors des sorties?
A la piscine notamment, parce que « on manque de monde? »
Soit ! Je fais tout mon possible pour me rendre disponible, j?essaie d?aménager mon travail?
Puis on me demande d?accompagner, les enfants au ski?
Avec plaisir ! J?en suis ravi !
Encore une fois, je me rends disponible, je suis contraint de refuser du travail, dans un contexte difficile où pourtant, j?aurai grand besoin de travailler, mais je me suis engagé auprès de l?école, alors, je dis non, à deux de mes employeurs. Le sens du respect, tout simplement.
Puis la grippe frappe la famille, moi et les quatre enfants tombons malades, une bonne grippe avec fièvre et nuits difficiles?
Dès le lundi matin, je préviens l?école que si mes enfants sont malades le mardi, je ne pourrai pas accompagner le groupe?
Le lundi soir, ma femme prend le numéro d?un autre parent pour lui téléphoner tôt le mardi matin, afin qu?il puisse accompagner les enfants, si je dois moi, garder les miens à la maison?On ne plante pas l?école, on trouve des solutions?
Et dans l?après-midi du mardi, par téléphone, je fais savoir à l?école que « je ferai tout pour être là le jeudi ».
Et en effet, le jeudi matin, je suis là, avec mes enfants?
« Je vous ai remplacé ».
Je reste sous le choc d?une phrase balancée avec violence, que j?ai d?abord prise pour une blague?
Non, ça n?est pas possible, elle va éclater de rire, elle va dire qu?elle est contente que les enfants soient rétablis, elle va se dire que c?est bien, qu?on n?est jamais trop nombreux pour accompagner des enfants dans la neige, dans un sourire elle va me dire, oh, on se serrera un peu s?il le faut?Ou au pire, elle expliquera qu?il n?y a plus de places dans le bus, qu?elle est désolée, mais que je peux peut-être les suivre en voiture?
Mais non.
A mes côtés, le père qui a transmis le message le mardi tente un « oh, vous aurez bien une petite place? »
La réponse est nette : « Non non, on n?a pas de places? »
Incrédule. Je reste incrédule. Abasourdi.
Je fais demi-tour et je m?en vais, laissant mes enfants sans aucune explication, les pauvres, rien que pour eux j?ai le c?ur déchiré et les larmes aux yeux?
Cette sortie, on en a parlé, on l?a imaginé, ma fille savait qu?elle serait assise à mes côtés à l?aller et que mon fils le serait au retour?Je leur avais parlé de l?endroit où ils feraient du ski de fond, j?y étais allé il y a encore quelques jours?
Et là, il se retrouvent sans moi dans le bus. Ils doivent se dire que je leur ai menti. Et ce soir, je devrai leur trouver des explications bidons. Parce que même si je suis profondément blessé, j?ai envie qu?ils continuent à avoir du respect pour leur maîtresse, évidemment?
Je ne comprends toujours pas comment on peut autant manquer de considération pour les gens.
Ça fait froid dans le dos. Dans un ultime cauchemar, je me précipite chercher mes enfants à la sortie de l?école, craignant que l?implacable logique du grand échiquier ait fini par gangrener l?ensemble des cerveaux et que, arrivant une minute après l?heure, la sentence ne tombe une nouvelle fois :
« On vous a remplacé »?