Pour moi, le débat ne s'arrête pas à une question de dignité.
je suis entièrement d'accord avec toi sur ce point. Il ne doit pas s'agir que de ça.... mais pourtant, cette dignité-là, il ne faut pas l'oublier non plus....
J'ai envie de vous raconter 3 histoires.....
La première, celle de T. Il avait deux frères, plus grands que lui d'environ 2 et 4 ans. Lorsqu'il avait 12 ans, celui de 14 ans l'a embarqué dans un casse de magasin. L'alarme s'est déclenchée, les flics sont arrivés.... Il y a eu des coups de feux.... son grand frère a été arrêté, jugé, et a eu une peine de 15 ans de prison ferme.
T, lui, a reçu une balle dans la colonne vertébrale. Il est tombé dans le coma, celà a duré quelques mois. A son réveil, il était paralysé des 2 jambes, et des bras (pas les mains
). Ses poumons avaient morflés aussi au cours du coma, ainsi que ses reins. Il était donc dialysé à vie. (car pas de greffe possible dans son état)
C'est comme ça que je l'ai connu. Son seul plaisir, fumer. Le médecin nous avait autorisé à le faire fumer avant sa dialyse.... nous devions lui tenir sa clope.... Son plus grand frère s'occupait de lui la journée. (ou plus exactement, il le logeait, mais ne s'en occupait pas.... ) Un jour, il a eu 27 ans. Quelques temps plus tard, il m'a dit : "regarde, demain mon frère sort de tôle, il a payé sa dette... et moi ? je n'ai pas assez payé ? pourquoi je suis encore là ? pourquoi personne ne me laisse tranquille et mourir ? mon frère ne veut pas que je dise ça, mais moi je sais bien que c'est parce qu'il touche des sous en plus qu'il me garde.... "
2 jours après, T est mort brûlé vif dans son lit, il avait fumé une clope, et son matelas a pris feu...
Qui s'est soucié de sa dignité ?
Histoire numéro 2 : Un autre patient de dialyse, greffé cardiaque. Donc malade depuis des années. Un jour, il a décrété qu'il en avait marre. Il ne voulait plus venir en dialyse, ce qui le condamnait à coup sûr. Il en a parlé avec les médecins, et avec nous, nous lui avons dit que si c'était vraiment son souhait, nous le respecterions. Il est venu encore pendant des mois, car, il le disait, il avait peur. Puis un jour, il nous a dit être prêt. Une grande discussion s'est engagée avec lui et les médecins, je lui ai baissé la manche de son bras come un symbole, en lui souhaitant une fin dans la sérénité.
2 jours plus tard, il arrivait, emmené de force par ses filles qui ne supportaient pas l'idée que leur père aient fait ce choix. Il a fallu le dialyser. Les médécins ont bien discuté avec la famille, mais rien n'y a fait. Le patient, lui, se taisait. Dès lors, il n'a plus parlé à personne, il s'est refermé sur lui-même.... et ses filles, celles-là même qui l'avaient amené de force, se sont détournées de lui. Il est mort seul, sale, et dans état de déterioration physique et mentale honteux !!!
Où est sa dignité ?
Histoire numéro 3 : Ma grand-mère souffrait d'anémie. Au début, elle avait des transfusions tous les 3 mois, puis tous les deux mois, .... au final, il lui en fallait une tous les 15 jours.... et dès qu'elle était transfusée, elle avait des coliques avec diarrhée.... Quelque chose d'insoutenable pour ma grand-mère qui était une femme très digne, justement, et qui tenait beaucoup à son apparence. Un jour,elle a décidé que cela suffisait, qu'elle avait fait son temps. Elle avait 79 ans. Elle a choisi de ne plus aller se faire transfuser, elle a prévenu ses 12 enfants. Tous ont respecté ce choix. 2 sont venus à son chevet en permanence, les autres passaient très régulièrement pour la voir. Soucieuse de son apparence et de l'image qu'elle voulait laisser à ses petits-enfants, elle a refusé que nous la voyions. Elle est morte comme elle a vécu, dignement.
Histoire n°4.... je continue ?
Tout ceci me touche énormément. C'est pourquoi je parle de la dignité.
Mais je comprends aussi, pour être de ce côté là, que donner la mort, même pour abréger des souffrances, peut être traumatisant pour la personne qui le fait. Et comme P'tite Lilli, je me crois incapable de le faire. C'est pourquoi on a développé les soins palliatifs. C'est, il me semble, la meilleure alternative. Mais elle doit aussi être acceptée. Par la famille, mais aussi par les patients. Chantal Sebire avait refusé cette alternative...
Et pour l'histoire de la loi, voici une autre histoire : lorsque je travaillais en Réa, on a un jour retrouvé un shewing gum dans le respirateur d'un monsieur.... sa famille l'avait mis là.... ils harcelaient leur notaire pour savoir ce qu'il y avait dans le testament.... ALors s'il y avait une loi.... qu'aurait fait la famille ? ("mais il souffre Monsieur le Juge.... il faudrait l'aider à en finir !!!"
)
Bon... ben voilà.... un pavé !!